Mise à jour - le 31 octobre 2006

NOUVELLES RÉCENTES concernant LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

Selectionnez ici pour pdf


La Norvège annule les dettes illégitimes

Le 2 octobre dernier, dans un geste sans précédent, le ministre du développement international de la Norvège, Erik Solheim, annonçait que le gouvernement norvégien comptait annuler unilatéralement et inconditionnellement 80 millions $US (520 millions NKr) de dettes illégitimes détenues par l’Équateur, l’Égypte, la Jamaïque, le Pérou et la Sierra Leone. Admettant que ces dettes découlaient d’un « échec de la politique de développement », Oslo a aussi admis qu’à titre de créancier, la Norvège avait la responsabilité partagée de ces dettes. De plus, l’annulation ne sera pas prise en compte dans le calcul de l’aide publique norvégienne au développement, ce qui signifie qu’elle s’ajoutera à l’aide courante.

Ces dettes avaient été contractées entre 1976 et 1980, alors que le gouvernement norvégien avait vendu 156 bateaux à ces cinq pays, non pas pour soutenir leur développement, mais pour venir en aide à l’industrie navale norvégienne. La Norvège a fourni des crédits à l’exportation à des entreprises de pays bénéficiaires pour faciliter l’achat de ces bateaux. Dans le cas de l’Équateur, Quito a assumé la dette de la société équatorienne Banana Fleet lorsque celle-ci a cessé ses activités en 1987. Bien que les bateaux achetés à l’origine n’aient jamais été localisés, la dette de l’Équateur avait atteint, en 2002, la somme de 50 millions $, à partir d’un prêt initial de 13,5 millions $.

Jusqu’ici, les gouvernements ont refusé de partager la responsabilité des prêts négligents fondés sur des motifs politiques ou ayant bénéficié à des régimes corrompus, alléguant que les États bénéficiaires doivent continuer de rembourse ces dettes. La décision de la Norvège est donc d’une importance cruciale, et elle a été saluée par les mouvements d’abolition de la dette à travers le monde.

Norway makes ground-breaking decision to cancel illegitimate debt
http://www.eurodad.org/articles/default.aspx?id=737
Upheaval in the Back Yard, Illegitimate Debts and Human Rights – The Case of Ecuador-Norway http://www.odiousdebts.org/odiousdebts/publications/cdes_ecuador_norway.pdf


Mieux vaut tard que jamais – rencontre avec Flaherty

Suivant une tradition établie depuis huit ans, le ministre des Finances Jim Flaherty a rencontré 15 organismes de la société civile, pour la première fois depuis son entrée en fonction, pour discuter d’enjeux liés aux rencontres de septembre de la Banque mondiale et du FMI. À propos de l’aide étrangère, il a laissé entendre que le gouvernement souhaite « faire mieux que ce qu’[il a] fait ». Cela peut signifier : regrouper des programmes d’aide selon l’objectif, le secteur, l’efficacité et l’étendue géographique et réaliser des projets concrets, ou « résoudre des problèmes solubles », tels que la tuberculose, la malaria et la polio. On doit comprendre qu’il faut s’attaquer à la qualité de l’aide avant de dépasser l’engagement actuel de 8 % et d’accroître l’aide. Au sujet de la conditionnalité, le gouvernement est d’avis que le FMI doit se limiter à fournir des conseils de politique macroéconomique et cesser de faire de la microgestion locale. Concernant d’autres enjeux liés à la réforme du FMI, Ottawa se contente des modestes changements actuels à la représentation des membres au FMI (voir Mise à jour, 31 août 2006), il fera pression pour régler d’autres problèmes en suspens ayant trait au droit de vote au conseil d’ici les deux prochaines années, et il appuie énergiquement l’adoption d’un processus plus ouvert et plus transparent pour la sélection du prochain directeur général du FMI. Quant à la bonne gouvernance et à la lutte à la corruption, nouvelles priorités de la Banque mondiale (voir Mise à jour, 30 septembre 2006), le gouvernement veut s’assurer qu’une stratégie anti-corruption mise au point à la Banque peut être appliquée de manière systématique et non arbitraire.


Le régime de pensions norvégien – un modèle pour le RPC

Mme Hilde Jervan, du Conseil d’éthique associé au régime de pensions du gouvernement norvégien, comptait parmi les experts invités à la 3e table ronde nationale sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et les industries extractives canadiennes dans les pays en développement, tenue à Calgary du 10 au 12 octobre. (Voir la Mise à jour du mois dernier pour un compte rendu sur Toronto.)

Créé en 2004, le Conseil d’éthique fait des recommandations au ministre des Finances quant au respect de l’éthique dans l’investissement par le régime de pensions norvégien. Le régime doit respecter deux grands critères : être géré de manière à générer un bon rendement économique, social et écologique à long terme; ne pas investir dans des entreprises qui participent à des actions ou des omissions contraires à l’éthique, comme la violation des principes humanitaires fondamentaux, la violation grave des droits humains, la corruption flagrante ou les dommages graves à l’environnement. À la suite des recommandations du Conseil, le ministère s’est retiré de plusieurs entreprises, dont la compagnie minière Freeport McMoRan, disqualifiée en raison des dommages graves qu’elle a causés à l’environnement.

La présentation de Mme Jervan contrastait avec celle faite à la table ronde de Toronto par l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada sur sa politique d’investissement responsable. En dépit de cette politique, l’Office continue de détenir des actions de nombreuses compagnies minières, pétrolières et gazières dont les répercussions sociales et environnementales sont dénoncées. Le RPC est un régime de revenu de retraite administré par le gouvernement fédéral.

Le régime de pensions du gouvernement norvégien (en anglais)
http://odin.dep.no/fin/english/topics/p10001617


Babillard
  • Le 13 octobre dernier, l’Afrique du Sud présentait, au nom du G77 et de la Chine, un projet de résolution demandant la tenue d’une « Conférence internationale de suivi sur le financement du développement », à Doha au Qatar, en 2008. Ce projet de résolution servira de base de négociation au cours des deux prochains mois et devra être finalisé d’ici décembre 2006. http://www.un.org/esa/ffd
  • La Société financière internationale (SFI), l’organisme de crédit au secteur privé de la Banque mondiale, a déposé une étude environnementale relative au projet d’implantation controversé de deux usines de papier sur la rive uruguayenne d’une rivière séparant l’Uruguay et l’Argentine (voir Issue Update, 30 avril 2006). La SFI n’a pas encore décidé si elle financera le projet. http://www.adb.org/Documents/Events/2006/Senior-Management-Consultation/core-labor-standards.pdf



Nouvelles publications

  • Réponse de la SFI à « Un pas en avant, un pas en arrière ». À la fin de septembre, l’Initiative d’Halifax a reçu une réponse de la SFI à son rapport sur les nouveaux critères socio-environnementaux de la SFI en matière d’investissement dans le secteur privé. La lettre de la SFI relève, « aux fins du compte rendu », un certain nombre de points soulevés dans le rapport. Malgré les clarifications de la SFI, plusieurs importantes faiblesses constatées par la société civile demeurent. http://www.halifaxinitiative.org/index.php/projects/821
  • « In the Public Interest », Oxfam International et WaterAid, septembre 2006. Ce rapport porte sur l’éducation, la santé, l’eau et l’hygiène, et soutient que ces services essentiels ne pourront s’étendre, dans les pays en développement, que si des investissements massifs sont faits dans les services publics. Il demande clairement à la Banque mondiale de cesser de promouvoir des solutions du secteur privé qui ne peuvent remplacer l’action d’un gouvernement, et aux pays en développement de faire beaucoup plus pour investir dans les services publics universels. http://www.oxfam.org.uk/what_we_do/issues/debt_aid/public_interest.htm
  • « Globalisation: the role of the IMF », Comité du trésor de la Chambre des communes (Royaume-Uni), juillet 2006. Résultant d’une étude indépendante sur le Fonds monétaire international menée par la société civile, des experts universitaires, le gouverneur de la Banque d’Angleterre et le chancelier de l’Échiquier, ce rapport explore des propositions sur le rôle, la structure de gouvernance, les fonctions de surveillance et d’analyse, les opérations de prêt et le financement du FMI, ainsi que les rapports du gouvernement du R.-U. avec le FMI. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200506/cmselect/cmtreasy/875/875.pdf



Événements à venir

  • « Mauvaises mines : festival de films sur les impacts de l’industrie minière canadienne », du 25 octobre au 3 novembre, Montréal. Pour de plus amples renseignements : 514-495-3131.
  • Table ronde nationale sur la responsabilité sociale des entreprises des secteurs minier, pétrolier et gazier, Doubletree Plaza Hotel, 505, rue Sherbrooke Est, du 14 au 16 novembre (séance publique le 14 novembre), Montréal, Canada.
  • Conférence sur la conditionnalité pour les gouvernements et la société civile, Ministère royal norvégien des Affaires étrangères, 28-29 novembre, Grand Hôtel, Oslo, Norvège.



LES FAITS - Qu’est-ce qu’une dette illégitime?

Les dettes odieuses (voir Issue Update, 31 octobre 2005), les dettes illégales, les dettes écologiques et les dettes illégitimes sont quatre grandes catégories de dette, toutes considérées comme illégitimes.

Une dette est réputée odieuse si a) le prêt original n’a bénéficié d’aucune façon à la population du pays débiteur et les fonds peuvent avoir servi à opprimer des peuples; b) la population du pays débiteur n’a pas donné son consentement au prêt; c) le créancier connaissait ces faits et a versé le prêt quand même. Généralement, les dettes odieuses sont associées à des régimes dictatoriaux tels que ceux de Marcos aux Philippines, de Suharto en Indonésie ou de Saddam Hussein en Iraq. Ces prêts sont souvent motivés par des objectifs politiques.

Les dettes illégales ne respectent pas les normes et procédures légales de base du pays débiteur. Par exemple, si la personne signataire du prêt n’est pas autorisée à signer au nom de l’État, la dette est réputée illégale.

Chacun détient un intérêt intrinsèquement égal dans l’environnement mondial. Quand les pays riches dépensent plus que leur part des ressources mondiales, sans payer pour les effets négatifs de leur développement sur l’environnement, ils laissent aux pays démunis d’énormes dettes écologiques. Les dettes écologiques sont le résultat de décennies de pillage de ressources (minéraux, pétrole, forêts et savoirs traditionnels), de destruction des écosystèmes et des identités culturelles, de pollution et d’entassement de déchets, qui ont laissé une somme disproportionnée de destruction environnementale et de bouleversement culturel et social à la charge des populations du Sud.

Les dettes illégitimes s’appliquent aux projets mal conçus, poursuivant des objectifs de nature politique plutôt que de développement, comme dans l’exemple de l’industrie navale norvégienne décrit plus haut.

SOURCE: Editor’s notes: What is illegitimate debt (en anglais)
http://www.eurodad.org/articles/default.aspx?id=737
Voir aussi, en français, les sites Web du CADTM, d’ATTAC-France et d’ATTAC-Québec, de KAIROS Canada et des Amis de la Terre (dette écologique).