GROUPE DE TRAVAIL D'ONG SUR EDC (Novembre 1999): Financer la débâcle

Financer la débâcle: La Société pour l’expansion des exportations (SEE) du Canada


En 1999, Amnistie Internationale sonnait l’alarme à la suite de la mort de quarte autochtones colombiens tués lors d’une manifestation contre la construction d’un barrage hydroélectrique qui avait dévasté leur source de subsistance et qui, une fois terminé, allait inonder la plus grande partie de leurs terres.

En 1998, un accident minier provoquait le déversement de deux tonnes de cyanure dans une rivière du Kirghizistan. Aggravée par l’absence de plan d’action en cas d’urgence, cette catastrophe allait causer la mort de deux personnes et l’hospitalisation de plus de 600 autres.

En 1995, une mine d’or du Guyana déversait 3,2 milliards de litres de cyanure et de métaux lourds dans la principale voie navigable du pays, portant atteinte à la santé de 23 000 personnes et exterminant des milliers de poissons.

La mine de Marcopper

La mine de Marcopper, dans les Philippines, a engendré un «&nopper, dans les Philippines, a engendré un « état de crise majeure pour raisons de santé » dans les collectivités avoisinantes. En 1996, un déversement massif de déchets miniers forçait l’évacuation de cinq villages et causait une « disparition totale de la vie aquatique et de la productivité biologique », selon les enquêteurs des Nations Unies. Or, la SEE a fourni à ce projet 1,36 million $US.


Qu’y a-t-il de commun entre ces incidents?
 

La Société pour l’expansion des exportations du Canada (SEE), une institution financière d’État, fournissait des services de financement ou d’assurance à toutes les entreprises mises en cause dans ces incidents.

Au Canada, la Société pour l’expansion des exportations (SEE) aide les entreprises canadiennes à exporter des biens et services à l’étranger. Elle s’occupe de soutenir et de développer le commerce d’exportation du Canada et le potentiel canadien dans ce domaine. Depuis 1993, la SEE offre des services de soutien aux ventes à l’étranger par la fourniture de crédit acheteur, de garanties d’investissement, d’assurance-crédit, d’assurance contre les risques politiques, d’aide à la coentreprise et à la prise de participation, ainsi que d’autres services.


Qu’est-ce que'un organisme de crédit à l'exportation?

La SEE est un organisme de crédit à l’exportation (OCE). Presque tous les pays industrialisés et nouvellement industrialisés sont dotés d’un tel organisme. Les OCE offrent des prêts et du financement pour aider des entreprises nationales à exporter des biens et des services à l’étranger. Il leur arrive souvent de soutenir des projets douteux. Comme le disait un militant : « Presque invariablement, quand on s’oppose à un projet susceptible de détruire une rivière ou une forêt ou de déplacer une collectivité dans un pays en développement, on s’aperçoit qu’on se bat contre un projet cautionné par un organisme de crédit à l’exportation. »


Pour appliquer son mandat élargi et s’adapter au rythme accéléré des ouvertures commerciales résultant de la libéralisation rapide des marchés, la SEE s’est considérablement développée. De 1993 à 1999, son volume d’affaires a triplé, passant de 11,7 milliards à plus de 40 milliards de dollars. Elle compte plus de 800 employés et dispense ses services à près de 5000 sociétés cane ses services à près de 5000 sociétés canadiennes.

La SEE finance de gros projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources naturelles qui, plus que d’autres, sont de nature à avoir des effets négatifs sur les populations pauvres, le travail, les droits de la personne et l’environnement. Or, la SEE échappe à l’application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.

Les effets des activités de la SEE sur les collectivités et sur l’environnement sont difficiles à mesurer car la population n’a pas accès aux renseignements concernant les projets qui lui sont soumis. La SEE n’informe pas la population sur les projets mis à l’étude ni sur ceux qui sont approuvés. Des renseignements aussi élémentaires que le nom de ses clients, le type de financement qu’elle leur a accordé et les endroits où se situent leurs projets ne sont pas divulgués. Généralement, la population n’apprend l’existence d’un projet de la SEE qu’au moment où celui-ci s’est muté en catastrophe et que les médias s’y intéressent. Une telle opacité est inacceptable de la part d’une institution financière d’État. Or, la SEE échappe à l’application de la Loi sur l’accès à l’information.

À titre d’institution financière d’État, la SEE peut emprunter sous l’entière caution du gouvernem sous l’entière caution du gouvernement canadien et en bénéficiant du crédit de celui-ci. Contrairement à d’autres institutions financières canadiennes, la SEE ne paie aucun impôt. C’est le Parlement du Canada, et par le fait même la population canadienne, qui assument en dernière analyse la responsabilité de ses succès, de ses échecs et de son image à l’étranger.


Le barrage des Trois Gorges

Le barrage des Trois Gorges, en Chine, est considéré comme le projet de loin le plus dangereux pour l’environnement actuellement en construction. Ce projet largement entaché de corruption entraînera l’inondation d’un territoire de 660 kilomètres de longueur, submergeant ainsi des sites archéologiques et entraînant le déplacement forcé de 1,3 à 2 millions de personnes. La SEE a fourni 155,5 millions $US à ce projet. Or, ni les organismes américains de crédit à l’exportation ni la Banque mondiale n’ont accepté pour leur part de soutenir ce projet.


CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La SEE allègue qu’en l’absence d’accord multilatéral applicable à tous les organismes de crédit à l’exporle à tous les organismes de crédit à l’exportation, le Canada perdrait des occasions d’affaires au profit d’autres OCE qui ne seraient pas liés par des politiques environnementales, sociales ou relatives aux droits de la personne.

Or l’avantage concurrentiel du Canada ne devrait reposer ni sur le non-respect des droits de la personne ni sur la dégradation de l’environnement. Si les entreprises canadiennes œuvrant à l’étranger profitent de cadres législatifs inopérants sinon inexistants dans les domaines de l’environnement, des droits de la personne et du travail, elles ne devraient pas pouvoir le faire avec le soutien de l’État.

La SEE ne peut pas s’en remettre à la législation des pays d’accueil pour s’assurer que les projets qu’elle appuie ne contreviennent pas aux normes et conventions acceptées internationalement. Grâce, entre autres, à des services fournis par la SEE, les entreprises canadiennes possèdent des intérêts commerciaux dans des pays qui ne sont pas disposés à tenir compte de certains droits de la personne ou de certaines considérations environnementales de première importance à cause de leur capacité économique ou institutionnelle limitée ou de leur manque de volonté politique.

Tant la Banque mondiale que les organismes américain et australien de crédit mes américain et australien de crédit à l’exportation possèdent des normes en matière d’environnement, de droits de la personne, de divulgation de l’information et de besoins sociaux qui sont plus élevées que ce dont dispose la SEE à ce jour. Tous les organismes publics doivent fonctionner conformément à des politiques et des valeurs gouvernementales qui servent à protéger les besoins environnementaux et sociaux des collectivités locales, de même que leurs besoins en matière de droits de la personne.


Le projet hydroélectrique de Urrà

Le projet hydroélectrique de Urrà, en Colombie, a détruit la source traditionnelle de subsistance des Autochtones de la nation Embera-Katio et inondé leurs terres agricoles, obligeant un grand nombre d’entre eux à quitter leur territoire. Des membres de la communauté Embera qui manifestaient contre le barrage ont été tués par des groupes paramilitaires apparemment liés aux forces armées colombiennes. Les plus récents massacres de leaders Embera ont eu lieu en septembre 2000. Or, la SEE a accordé 18,2 millions $US pour la construction de ce barrage.


La Société pour l’expansion des exportations du Canada doit avoir les obligations suivantes :

  • exiger des évaluations sociales, environnementales et des droits de la personne avant d’effectuer des transactions pouvant avoir des effets potentiels ou connus significatifs;
  • rendre publics certains renseignements spécifiques touchant les projets qu’elle traite, afin de s’assurer de devoir rendre des comptes à la population;
  • des mécanismes de responsabilité doivent être mis en place, afin de contribuer à assurer l’adhésion de la SEE à tous ses engagements fondamentaux;
  • être soumise à l’application de la Loi sur l’accès à l’information;
  • être soumise à l’application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.

Écrivez au premier ministre et faites-lui savoir que vous trouvez scandaleux qu’une institution publique ne soit pas tenue de déclarer à la population quels projets elle soutient.

La Loi sur l’expansion des exportations, qui régit la Société pour l’expansion des exportations, est en processus de révision législative depuis deux ans. Écrivez au ministre du Commerce international afin de dire au gouvernement que nous voulons voir la Loi amendée de façon à ce que la SEE soit tenue de mener des évaluations environnementales, sociales, ainsi qu’en matière de droits de la personne, et d’agir avec plus de transparence en mettant à la disposition de la population certains renseignements sur ses activités.

La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) est en processus de révision législative. Écrivez au ministre de l’Environnement pour lui faire savoir que nous voulons que la Société pour l’expansion des exportations soit soumise à la LCEE.

Examinez des projets nuisibles à l’environnement et aux populations locales afin de découvrir s’ils ont un lien avec la SEE. Écrivez à la SEE à rgiles@edc-see.ca, au ministre du Commerce international et à la compagnie en cause. Vérifiez auprès des gouvernements et des groupes locaux, auprès des médias et des filiales de la compagnie. Faites-nous connaître les résultats de vos enquêtes.


CE QUE VOUS POUVEZ FAIRE