Mise à jour - le 30 Juin, 2012

Financements et défis des changements climatiques
Lors du Sommet de l’ONU sur les changements climatiques de Cancun en 2010, un accord a été trouvé pour établir un Fonds vert pour le climat (FVC) afin de réduire la vulnérabilité climatique des pays en voie de développement. Un comité de transition s’est réuni à plusieurs reprises en  2011 pour élaborer le Fonds et a présenté ses recommandations au Sommet de Durban de 2011.La première rencontre du conseil d’administration du FVC se tiendra cette année. La Banque mondiale a été nommée administrateur intérimaire du Fonds pour une période de trois ans.

Les OSC ont fait part de leurs sérieuses réserves quant au rôle de la Banque mondiale et celui des institutions multilatérales de développement qui lui sont affiliées. La société civile a demandé la création d’un fonds mondial qui soit à la fois transparent et représentatif afin de répondre aux besoins des pays les plus vulnérables. Avec la Banque mondiale comme administrateur, le FVC risque fort de reproduire les relations donateurs-bénéficiaires caractéristiques d’un marché de l’aide dominé par les pays donateurs et les institutions financières internationales.

La Banque mondiale est déjà lourdement impliquée dans le financement climatique. Elle gère ainsi les Fonds d’investissement climatique (FIC), des fonds de plusieurs milliards de $ permettant aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de s’adapter aux changements climatiques. Les OSC ont fait état de leur vive inquiétude concernant les FIC (voir page 2). Qui plus est, elles ont souligné la contradiction existant entre l’engagement officiel de la Banque pour une gestion respectueuse de l’environnement et le financement de projets d’envergure de production d’énergie à partir du charbon qu’elle poursuit dans des pays comme l’Afrique du Sud et le Kosovo.

Les OSC et de nombreux pays développés considèrent le Fonds vert pour le climat comme une nouvelle approche des relations Nord-Sud, basée sur l’égalité, l’interdépendance, les intérêts communs et la coopération. La crise climatique s’intensifiant et les accords internationaux de solutions ayant été laborieux, l’élaboration d’un FVC bien financé, géré démocratiquement et fondé sur les principes ci-dessus, serait donc un pas significatif dans la bonne direction.


Aperçu : les Fonds d’investissement climatique (FIC)
Les Fonds d’investissement climatique (FIC) sont administrés par un secrétariat de la Banque mondiale et les fonds sont acheminés par des institutions multilatérales de développement (IMD). Les projets FIC sont souvent co-financés par des programmes nationaux existants des IMD et y sont intégrés. Les pays donateurs, incluant le Canada, ont promis plus de 6 milliards de $ aux FIC.

Les FIC comprennent le Fonds pour les technologies propres (FTP) et le Fonds stratégique pour le climat (FSC). Le Fonds pour les technologies propres (FTP) a pour but de financer les technologies propres à une plus grande échelle et d’offrir des possibilités d’investissement permettant de réduire les émissions de GES dans les pays à revenu intermédiaire et les pays émergents à forte croissance. Le Fonds stratégique pour le climat (FSC) finance 3 programmes : le Programme d’investissement des forêts (PIF) qui a pour but de réduire la déforestation et la dégradation des forêts (REDD) ; le Programme pilote pour résister aux changements climatiques (PPCR) qui offre subventions et prêts pour favoriser le développement de plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques ; et le Programme élargi d’énergie renouvelable (S-REP) dans les pays à faible revenu qui catalyse des investissements dans des projets d'énergie renouvelable.

Les organisations de la société civile surveillent de très près les décisions de gouvernance et d’investissements des FIC. Leurs principales préoccupations sont les suivantes :

•    Manque d’appropriation des pays. Le rôle des institutions multilatérales de développement en tant qu’agences chargées de la mise en œuvre sape la capacité d’appropriation des programmes FIC par les pays. Les OSC et les pays en voie de développement demandent l’accès direct aux financements climatiques plutôt que de voir les fonds canalisés par les IMD ou donnés au secteur privé.

•    Atténuation versus adaptation. Plus de 80 % des FIC ont servi à des activités d’atténuation et seulement 13 % à des activités d’adaptation. Les OSC ont réclamé qu’au minimum 50 % des financements soient consacrés aux initiatives qui renforcent la capacité d’adaptation des populations les plus vulnérables.

•    Subventions versus prêts. Les OSC ont vivement critiqué le recours prépondérant aux prêts plutôt qu’aux subventions dans le programme.

•    Aide aux plus vulnérables. Les allocations des FIC ont disproportionnément favorisé les pays à revenu intermédiaire plutôt que les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Les FIC ont également été critiqués pour n’avoir pas intégré une analyse des disparités entre les sexes dans les activités de projets.

•    Participation. L’engagement des communautés concernées et des OSC dans la conception et la mise en œuvre des projets FIC a été très limité et, dans certains cas, inexistant.
Ces points ont poussé les OSC à refuser que les FIC servent de modèle au Fonds vert climatique.


Un modèle inadapté ? Quelle leçon le Fonds vert climatique peut-il apprendre des FIC ? 
http://www.brettonwoodsproject.org/art-568686 (en anglais)

Climate Investment Funds Monitor, Bretton Woods Project
www.brettonwoodsproject.org (en anglais)

Recommandations au Comité de transition, juillet 2011, Friends of the Earth, USA
http://www.foe.org/publications/advocacy-outreach?page=2 (en anglais)


Une société d’État dans le jeu du charbon
Par l’intermédiaire de la Banque mondiale, le gouvernement canadien finance d’énormes projets d’énergie produite à partir du charbon, et par l’intermédiaire de Exportation et développement Canada (EDC), il finance également des émetteurs de GES. En 2011, cette société d’État a financé 9 milliards de $ de projets dans les secteurs pétrolier et gazier. En 2010, EDC a financé neuf projets de Catégorie A, des investissements qui auront de toute évidence des impacts environnementaux négatifs. Trois de ces neufs projets incluent des activités dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz.


Post-mortem : Rio + 20
Vu la crise environnementale et économique dans le monde, les attentes du Sommet sur le développement durable de Rio + 20 au Brésil étaient considérables. Malheureusement, le Sommet n’a engendré qu’une énorme déception générale car les gouvernements ont été incapables de s’accorder sur les actions décisives à prendre.

Alors que la déclaration finale a reconnu que les changements climatiques constituaient « une crise persistante », rien n’a été mentionné, que ce soit en matière de cessation des aides pour les combustibles fossiles ou d’engagements financiers dans le Fonds vert pour le climat. Aucun progrès n’a été fait en matière de sécurité alimentaire. Le Canada, les USA et la Russie ont bloqué toute tentative visant à protéger la biodiversité des océans. Malgré tous les efforts déployés avec détermination pour inclure les droits des femmes en matière de procréation comme éléments clés du développement durable, l’opposition du Vatican et d’autres a prévalu.

Bien qu’il n’y ait eu aucune avancée notable, il y a eu quelques résultats modestes. Après d’incessantes chamailleries entre les pays du Nord et du Sud, le document final a réaffirmé les principes de Rio établis en 1992, en particulier le principe dit de responsabilités communes mais différenciées. Cette réaffirmation a été une victoire pour les négociateurs des pays en voie de développement car le dit principe, fondement même de la lutte contre les changements climatiques, avait été rejeté lors du Sommet sur les changements climatiques de Durban en 2011.

Le défi consiste maintenant à savoir comment faire pour suivre un plan d’action extrêmement fragile. Au moins, l’ONU a le mandat de continuer le dialogue en créant un groupe de travail qui permette d’établir des objectifs de développement durable et d’élaborer des stratégies de financement. L’ONU doit aussi organiser un forum de haut niveau afin d’examiner les problèmes et les défis soulevés par le développement durable.


Nouvelles ressources…
Principes directeurs sur la dette et les droits de l’homme : rapport de l’expert indépendant sur les effets de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l’homme, Cephas Lumina :

http:// daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G12/128/80/PDF/G1212880.pdf?OpenElement

Recherche sanction désespérément : les compagnies canadiennes du secteur extractif et leurs partenaires publics. Document préparé par l’Initiative d’Halifax pour l’atelier de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et l'Université Simon Fraser (SFU),  Capital mondial, droits mondiaux , Vancouver, mai 2012.
http://www.halifaxinitiative.org/sites/halifaxinitiative.org/files/SFU%20presentation%20-%20Keenan.pdf


LES FAITS : Financement canadien pour la lutte contre les changements climatiques, 2011-2012
En vertu de son engagement dans l’Accord de Copenhague, le Canada a promis un financement de 1,2 milliard de $ pour lutter contre les changements climatiques en aidant les pays en voie de développement dans leurs activités d’atténuation et d’adaptation. Le tableau ci-dessous résume la nature de ces fonds et leur distribution géographique à partir de mai 2012.

Distribution géographique (évaluation)
________________________________________
Amérique latine / Caraibes (LAC) - 33 %
Afrique - 19 %
Asie - 12 %
Asie centrale / Europe de l’Est - 3 %
Programmes mondiaux - 33 %
________________________________________
Nature des financements
________________________________________
Financements concessionnels - 735.72 M$
(SFI, BID, FIC)
Subventions, énergie propre - 17.08 M$   
Adaptation
Asie, Afrique, LAC, monde - 89.60 M$
Forêts & agriculture
monde, bassin du Congo - 67.00 M$
Initiatives multisectorielles
monde, CCNUCC, Vietnam - 61.00 M$

La contribution la plus importante du Canada pour un financement accéléré s’est faite au moyen de prêts concessionnels aux pays en voie de développement ou à des entreprises du secteur privé par  l’intermédiaire des institutions financières multilatérales. Les chiffres ci-dessus comprennent les fonds pour le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) réservés à la recherche sur l’adaptation, 250 millions $ en financements concessionnels pour les initiatives du secteur privé dans les Amériques, et 292 millions $ pour la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale pour favoriser les projets d’énergie propre du secteur privé dans les pays en voie de développement. 

Le Canada vise en priorité les projets d’atténuation, spécialement en partenariat avec le secteur privé, tandis que les financements des initiatives d’adaptation ne représentent qu’une infime proportion de l’ensemble des contributions. Le Canada n’a donné aucune indication concernant ses engagements de financement pour lutter contre les changements climatiques après 2012.

Les financements accélérés du Canada :  rapport provisoire – Mai 2012, gouvernement du Canada
www.climatechange.gc.ca