Pratiques de crédit irresponsables, vol. 2 (2001 Mai)

Pratiques de crédit irresponsables - volume 2

 

Par le Groupe de travail d’ONG sur la Société pour l’expansion des exportations, un groupe de travail de la Coalition Initiative d’Halifax.

Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde
Comité pour la justice sociale de Montréal
Conseil canadien pour la coopération internationale
Congrès du Travail du Canada
Démocratie en surveillance
Développement et Paix
Droits et Démocratie
Falls Brook Centre
Les Amis canadiens de la Birmanie
Mines Alerte Canada
Project Ploughshares
Réseau d’alerte pour le Timor oriental
Sierra Club of Canada Nuclear Campaign
Steelworkers Humanity Fund
West Coast Environmental Law Association

 

INTRODUCTION

 

La Société pour l’expansion des exportations du Canada (SEE) est complice d’un certain nombre de faillites de développement dans le monde. Tout comme le rapport intitulé Pratiques de crédit irresponsables (volume I), publié en mars 2000, le présent rapport présente des cas de projets soutenus par la SEE qui sont l’objet de controverses à cause de leurs effets nuisibles sur les plans environnemental, social et des droits de la personne.

 

C’est à la suite de la controverse soulevée par certains projets que la population finit par connaître l’implication de la SEE dans ces projets. Depuis que la SEE est devenue une institution publique en 1969, elle a adopté comme politique de ne communiquer aucun renseignement sur les projets qu’elle soutient. La SEE est soustraite à l’application de la Loi sur l’accès à l’information.

 

Actuellement, la SEE échappe également à l’application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Une révision de la législation de la SEE ayant été entreprise depuis 1998, la performance sociale et environnementale de la SEE est soumise à un examen de plus en plus serré. En avril 1999, la SEE adoptait un « Cadre de référence pour l’examen des questions environnementales ». Or au moins quatre des projets décrits dans le présent rapport ont été approuvés par la SEE après l’adoption de ce cadre de référence.

 

Voici quelques-unes des incidences néfastes de ces projets.

  • La mine Antamina, au Pérou, aplanira à tout jamais huit sommets de la plus haute chaîne de montagne péruvienne, comparée par plusieurs aux Rocheuses canadiennes. La population qui vit près de cette mine s’est plainte à la Banque mondiale des risques de pollution reliés à la mine, des indemnités insuffisantes et du processus de réétablissement inadéquat.

  • Le barrage de Chamera II au nord de l’Inde continue la dévastation entamée par le barrage de Chamera I, en dépit du fait que les questions sociales et environnementales soulevées par le premier barrage soient toujours sans réponse. Le barrage de Chamera I avait entraîné la transformation en lac de 18 kilomètres de vallées boisées dans une région déjà fortement touchée par la déforestation. Les glissements de terrain se multiplient et les barrages de Chamera sont situés dans une zone sismique classée niveau V – la zone sismique la plus élevée en Inde.

  • Le complexe Profertil, en Argentine, a été fermé à deux reprises à la suite de fuites d’ammoniac pendant la période de démarrage de l’usine. Les résidents sont préoccupés par les dangers inhérents au transport et à l’entreposage de produits chimiques ainsi que par les résidus que l’usine déverse dans l’océan.

  • La mine de Bulyanhulu a occasionné l’éviction de milliers de mineurs artisans de leur concession minière par différents mécanismes judiciaires. Les écologistes tanzaniens craignent qu’une mine d’or dans cette région n’entraîne une contamination de l’eau par des résidus miniers dangereux contenant des métaux lourds et du cyanure. Selon les rapports reçus par Amnistie Internationale, des mineurs artisans ont été tués pendant leur éviction des terres en litige.

  • Le barrage hydroélectrique de Urrà en Colombie a détruit la source traditionnelle de subsistance de la nation autochtone Embera Katio et provoqué une violence accrue contre les chefs de cette communauté. Une douzaine de leaders opposés au barrage ont été assassinés par les forces paramilitaires et de guérilla. La malaria et la dengue sont en hausse depuis que le barrage a été construit.

  • Déterminée à devenir la plus importante usine de pâtes et papiers d’Indonésie, la compagnie PT TEL a acculé la collectivité locale au chômage, à la privation de terres, à la pollution, à la perte de moyens de subsistance et à des problèmes de santé. Elle a été impliquée dans des conflits avec les villageois autour d’activités forestières illégales, de saisies de terres forcées et d’actes d’intimidation par les services de sécurité.

  • Selon un rapport publié en 1997 par la Banque africaine de développement, le barrage de Manantali « avait sérieusement bouleversé les écosystèmes du bassin et déstabilisé les activités économiques traditionnelles, avec ce résultat que la région est devenue la plus pauvre dans les trois pays. Les inégalités accrues et la malnutrition ont entraîné un exode massif des travailleurs du bassin de la rivière [...] la pratique de la culture irriguée et le fait que l’eau salée ne puisse plus pénétrer dans le delta ont entraîné la prolifération de vecteurs de maladies endémiques telles que la bilharziose. L’incidence de la malaria a également augmenté et des souches résistantes de cette maladie sont apparues.

  • Le barrage de Ralco, le deuxième de six barrages qui doivent être construits sur la rivière Biobío au Chili, nécessitera l’inondation de 3 400 hectares de terres et le déplacement de 600 personnes, dont 400 Amérindiens de la nation Pehuenche. De nombreux actes illégaux ont été commis au cours du processus d’approbation de ce projet au Chili, y compris la révocation des têtes dirigeantes des ministères de l’environnement et des affaires autochtones. Trois causes concernant le barrage sont actuellement en instance devant les tribunaux chiliens.

En dépit du fait qu’au moins quatre de ces projets aient été soumis à un examen environnemental sous une forme ou une autre à la SEE, peu d’indices laissent croire que l’on consulte les populations locales et qu’on se préoccupe de réduire les incidences environnementales et de respecter les conventions internationales sur les peuples autochtones, l’environnement et les droits de la personne. Les procédures existantes à la SEE n’exigent pas :

  • la prise en compte des droits de la personne,

  • la divulgation des évaluations environnementales préalablement à l’approbation des projets,

  • la participation des populations locales touchées à la conception, la mise en œuvre et le contrôle des projets.

Le Groupe de travail d’ONG préconise que le gouvernement canadien assujettisse la SEE à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE). Une telle réglementation pourrait entraîner une amélioration considérable des procédures d’évaluation environnementale de la SEE et accentuerait la surveillance et la responsabilité ministérielles.

 

La SEE plaide contre son assujettissement à la LCEE, préférant l’auto-réglementation. Or, à titre d’institution publique, la SEE devrait être tenue par la loi d’obliger les entreprises canadiennes à se montrer aussi consciencieuses à l’étranger qu’elles le sont au Canada. De même, la SEE devrait être tenue par la loi de communiquer les renseignements relatifs aux incidences environnementales et sociales des projets qu’elle examine, avant que ceux-ci ne soient approuvés. La divulgation de ces renseignements avant l’approbation des projets est essentielle à un processus d’évaluation environnementale efficace.

 

La SEE a fait valoir que la divulgation des évaluations environnementales avant l’approbation des projets pourrait nuire à leur compétitivité. Or les organismes américains et australiens de crédit à l’exportation ont une telle exigence. En fait, c’est même une pratique courante faisant partie d’un processus d’évaluation environnementale et suivie par tous les organismes publics canadiens soumis à la LCEE.

 

Le présent rapport montre que les mesures mineures prises par la SEE, comme son « cadre de référence » environnemental, ne sont sans doute pas suffisants pour protéger les collectivités locales, l’environnement et la réputation du Canada à l’étranger. Certains des projets présentés dans ce rapport ont été approuvés avant l’adoption du cadre de référence de la SEE, mais d’autres ont été soumis au nouveau processus environnemental. Dans un cas comme dans l’autre, il y a eu des répercussions néfastes. Ceci montre d’abord quel type d’effets le financement de la SEE peut entraîner, et ensuite que ces effets néfastes n’ont pas été éradiqués par l’existence du « Cadre de référence pour l’examen des questions environnementales » actuellement en place à la SEE. 

 

La loi régissant la SEE est actuellement en cours de révision et susceptible d’être modifiée. Tous les Canadiens, les parlementaires comme la population, doivent s’assurer de ne pas laisser passer cette occasion de voir le Canada relever ses normes fondamentales en assujettissant son organisme de crédit à l’exportation à des normes mondiales. Ce n’est que lorsque la SEE sera soumise à une loi appropriée qu’elle cessera de faire courir, par son financement, des risques à l’environnement et aux populations des pays étrangers.

 

Le document complet en français sera prochainement disponible sur notre site web.

 

Les membres de ce groupe de travail sont: