LE FMI - Mauvais remède et confiance aveugle

LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL - MAUVAIS REMÈDE ET CONFIANCE AVEUGLE

 

La façon désastreuse dont le Fonds monétaire international (FMI) a géré la crise financière du Sud-Est asiatique a soulevé des réactions de révolte chez des économistes par ailleurs modérés, des fonctionnaires du gouvernement et de simples citoyens. Ce prétendu docteur de l’économie mondiale a ignoré les symptômes avant-coureurs de la crise, a posé un diagnostic erroné, a prescrit le mauvais remède et a failli tuer le patient. Résultat : l’économie mondiale a attrapé la grippe asiatique. Devant la récession économique mondiale, l’instabilité des marchés financiers et la souffrance humaine généralisée, des voix critiques s’élèvent pour demander si le FMI, et le G7 qui le contrôle, savent vraiment ce qu’ils font.

 

Or, en dépit des appels généralisés en faveur d’une réforme fondamentale ou d’un arrêt des opérations du FMI, cette institution, loin de se repentir, va de l’avant en planifiant un accroissement de ses subventions et de son emprise sur les économies nationales. L’entêtement du FMI à croire au dogme de la libéralisation financière et à la sagesse intrinsèque des marchés prépare la voie pour de nouvelles crises. Il faut agir.

 

QU-EST-CE QUE LE FMI? 

 

Le Fonds monétaire international a été créer par les gouvernements de divers pays, dont le Canada, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour permettre l’orientation et la reconstruction d’un système monétaire international presque totalement effondré à l’époque. Les 44 pays fondateurs du FMI ont voulu éviter un retour au protectionnisme et à l’instabilité financière des années 30 et de la grande crise en créant une institution dont le mandat serait de promouvoir les échanges et la coopération monétaires à l’échelle internationale.

 

À l’origine, le FMI fournissait une aide financière à court terme aux pays membres qui en avaient besoin pour stabiliser leur taux de change et alléger la difficulté de maintenir leur balance des paiements. Le FMI s’est retrouvé de plus en plus dépassé au cours des années 70 quand les taux de change sont devenus flottants et que les banques commerciales ont commencé à offrir des possibilités d’emprunt au titre de la balance des paiements. Lorsque la crise du pétrole des années 70 et la crise de l’endettement des années 80 qui en a découlé ont acculé les pays en développement à la cessation de paiement sans accès au crédit commercial, le FMI a pris le relai et a consenti de nouveaux prêts pour assurer le remboursement des plus anciens. Dans ce rôle actuel, le FMI cautionne, rééchelonne, reconduit des prêts et en accorde de nouveaux aux pays pauvres qui sont en état de cessation de paiement de leurs dettes antérieures ou sur le point de l’être.

 

Les pays membres du FMI, actuellement au nombre de 180, versent au Fonds une quote-part ou cotisation qu’ils peuvent ensuite réemprunter en cas de difficultés financières. La quote-part du Canada est d’environ 8,9 milliards $ ou 3 % du total. Certains pays ont besoin de ressources additionnelles ou de ressources d’urgence tirées sur d’autres fenêtres de crédit du Fonds financées par les pays riches, dont le Canada. À cette fin, le Canada a accordé au FMI une marge de crédit de 4,7 milliards $.

 

Dans son rôle de prêteur à long terme, le FMI est devenu un participant direct à la prise de décisions économiques par les pays débiteurs en raison des conditions de crédit imposées à ces pays. En effet, les prêts consentis par le FMI sont assujettis de conditions rigoureuses qui obligent les pays pauvres débiteurs à appliquer des réformes structurelles et institutionnelles majeures. Ces conditions d’ajustement structurel sont fondées sur l’hypothèse que l’ingérence et les excès financiers de l’État nuisent au progrès économique des pays pauvres.

 

Parmi les mesures destinées à ouvrir les économies nationales à l’investissement étranger et à réduire le rôle de l’État, notons : la libéralisation du commerce et de l’investissement, l’augmentation des taux d’intérêt, la dévaluation de la monnaie, la déréglementation, la privatisation des entreprises appartenant à l’État, la réduction des budgets de la santé et de l’éducation et la réduction des effectifs du secteur public. Les conditions imposées par le FMI se traduisent par une contraction économique qui entraîne une diminution de la capacité de rembourser la dette et un déclin de la qualité de vie en raison des pertes d’emploi, de l’augmentation des prix, de la réduction des programmes sociaux et de l’exploitation accrue de l’environnement. Les pays débiteurs se retrouvent rapidement sur une voie d’endettement créée par le FMI. (Pour de plus amples renseignements, voir nos fiches d’information sur la crise de l’endettement multilatéral et sur les programmes d’ajustement structurel.)

 

Un des coûts les plus inquiétants reliés aux prêts du FMI est celui qui touche la démocratie, alors que des fonctionnaires non élus installés à Washington déterminent de plus en plus le sort économique, fiscal et politique des nations. Environ 500 personnes, membres du personnel du FMI qui n’ont aucun compte à rendre à la population, dictent les conditions de vie économique de plus de 1,4 milliards de personnes dans 75 pays en développement.

 

Quand les devises sortent d’un pays plus vite qu’elles n’y entrent, on dit que le pays est en déficit au titre du bilan de ses paiements internationaux. Les gouvernements doivent alors emprunter à l’étranger pour financer leur déficit. Quand un pays est incapable, en raison de ses difficultés économiques, d’obtenir le financement voulu en empruntant sur les marchés commerciaux, c’est le FMI qui intervient.

 

...le fait que certains pays aient un besoin désespéré d’aide financière à court terme ne donne pas au FMI le droit moral de substituer ses jugements techniques aux résultats du processus politique en place dans ces pays +, Martin Feldstein, économiste, cité dans par le magazine Foreign Affairs, mars-avril 1998.

 

QUEL RÔLE A JOUÉ LE FMI DANS LA CRISE FINANCIÈRE DU SUD-EST ASIATIQUE?

 

Entre la fin de 1997 et le début de 1998, le FMI a prêté un montant évalué à 120 milliards $US aux gouvernements de la Thaïlande, de l’Indonésie et de la Corée du Sud, ce qui a permis à ces derniers de rembourser les dettes en souffrance du secteur privé local envers des investisseurs privés internationaux et des banques commerciales. En contrepartie de ces prêts, le FMI a exigé que les pays débiteurs adoptent des mesures d’austérité destinées à restaurer la confiance des investisseurs, à stabiliser le cours de la monnaie, à renverser le mouvement de fuite des capitaux et à contenir la crise. Les exigences du FMI ont eu exactement l’effet contraire, faisant paniquer les marchés et précipitant les pays en cause dans une récession économique.

 

La crise du Sud-Est asiatique a fait ressortir des failles profondes dans l’analyse économique et la fonction de surveillance du FMI, des preuves inquiétantes de son contrôle quasi hégémonique sur des pays vulnérables et des signes évidents que cette institution viole son mandat au nom d’intérêts financiers et de membres puissants. Voici une analyse plus détaillée de ce qu’a fait le FMI :

 

1. LE FMI A FAILLI À SA TÂCHE DE CHIEN DE GARDE DE L=ÉCONOMIE MONDIALE

 

Un de rôles du FMI est d’examiner et d’évaluer la performance économique de ses membres et d’en rendre compte. L’encre du rapport annuel du FMI pour 1997, qui ventait les tigres asiatiques et leur solide performance, était à peine sèche que la crise a éclaté. L’hypothèse du FMI selon laquelle tout investissement étranger est bon l’a empêché de se rendre compte des inquiétudes naissantes quant à la nature et à la qualité de ces investissements. Devant la preuve de plus en plus évidente que le miracle économique était un château de cartes fondé sur du crédit à risque consenti pour des investissements imprudents et des actions et des obligations surévaluées, le FMI a fermé les yeux. Si l’on tient compte du fait que le FMI réalise chaque année une évaluation de la performance et des perspectives économiques de ses membres et que ces études sont considérées comme hautement crédibles, cette incapacité de voir venir la crise est proprement stupéfiante.

 

L’incapacité de surveiller efficacement les économies de ses membres et d’anticiper les difficultés porte un dur coup à la crédibilité du FMI même dans les cercles les plus conservateurs. De plus, cette incapacité remet en question les hypothèses analytiques de base utilisées par le FMI, de même que le paradigme économique qui tient pour acquis que les marchés libres fonctionnent efficacement dans l’intérêt de tous. Les appels à une surveillance accrue des pays et à des données davantage susceptibles de rendre compte de l’après-crise ne changeront rien si le premier problème analysé n’est pas le FMI lui-même.

 

Une des questions les plus fondamentales qui se posent à la suite de la crise financière du Sud-Est asiatique est la suivante : Comment le FMI peut-il appliquer des programmes réduisant la capacité des États à intervenir dans leur propre économie et insister par ailleurs pour que ces mêmes États ramassent les morceaux quand des marchés sur lesquels ils n’ont plus aucun contrôle s’effondrent? Pourquoi les citoyens doivent-ils payer la note dans les deux cas?

 

D’après ses statuts, une des buts du FMI est la promotion et le maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel (article I (ii)). Les ressources du FMI doivent permettre aux gouvernements locaux de corriger un déséquilibre temporaire de leur balance des paiements sans recourir à des mesures destructrices pour la prospérité nationale et internationale (article I(v)).

 

2. LE FMI A RENFLOUÉ LES GRANDES BANQUES - IL A SOCIALISÉ LES DETTES PRIVÉES ET CRÉÉ UN * RISQUE MORAL +

 

Les prêts consentis à la Thaïlande, à l’Indonésie et à la Corée du Sud par le FMI étaient assortis d’une condition obligeant les gouvernements bénéficiaires à rembourser les prêts étrangers à leur secteur privé, même si ces prêts avaient été consentis par les banques internationales à des entreprises et à des institutions privées. Cette façon de transformer des dettes privées en responsabilité publique au moment où la capacité de rembourser du débiteur est sur le point de devenir problématique relève de la grossière injustice. Pendant des décennies, les 280 millions de citoyens thaïlandais, indonésiens et sud-coréens vont payer des milliards de dollars aux plus grandes banques d’affaires du monde. Or ces citoyens ne sont absolument pas responsables de ces dettes.

 

En socialisant la dette privée, le FMI a créé et accentué le problème de risque moral, c'est-à-dire la probabilité accrue que les investisseurs continuent à investir à tort et à travers, sachant que leurs erreurs seront cautionnées. De nombreux économistes croient que le coût réel de la crise mexicaine du peso a été l’éclatement de la crise du Sud-Est asiatique, car les investisseurs ont compris qu'ils pouvaient prendre tous les risques sans avoir à payer la note.

 

3. LE FMI A LAISSÉ LES PETITES BANQUES FAIRE FAILLITE - IL A APPLIQUÉ DEUX POIDS DEUX MESURES

 

En vertu des prêts du FMI aux pays du Sud-Est asiatique, les banques locales ont été acculées à la faillite alors que le secteur privé international se tirait d’affaire. Selon ce principe pernicieux de deux poids deux mesures, les risques du marché libre sont encourus par le secteur privé local mais non par les banques d’affaires. Ce sont les grandes banques internationales qui ont prêté au départ à des entreprises asiatiques à haut risque. Ce sont également les grandes banques internationales qui ont précipité la crise en refusant de renouveler leurs propres prêts, qui ont fait chuter le cours des devises en se retirant massivement du marché et qui ont ensuite réalisé des profits en spéculant ou en misant sur l’importance de la chute de valeur de la monnaie. Or ni les grandes banques ni les grandes sociétés de placement ne se voient forcées de prendre leur responsabilité par rapport au rôle qu’elles ont joué au départ et au cours de la crise financière.

 

Depuis l’automne 1997, toutefois, 56 sociétés de financement thaïlandaises, 16 banques indonésiennes et 14 banques d’affaires sud-coréennes ont fermé leurs portes. Le FMI aurait pu obliger les banques internationales à renégocier leurs prêts aux entreprises et aux banques asiatiques, mais il a refusé de le faire. La soumission du FMI aux puissants intérêts financiers internationaux est apparue de façon plus évidente encore dans les conditions de ses programmes de prêts. Plutôt que de tenter de sauvegarder les banques locales en mauvaise passe, le FMI a insisté pour les laisser aller aux mains de titulaires étrangers en contrepartie de droits accrus en matière de propriété. Voir le no 5 ci-dessous pour de plus amples détails sur l’importance de cette braderie.

 

4. LE FMI A POSÉ UN DIAGNOSTIC ERRONÉ - IL A CRU À UNE FAILLITE DU SECTEUR PUBLIC

 

Les exigences fiscales strictes du FMI étaient conçues pour limiter les dépenses gouvernementales face à une crise de l’endettement du secteur privé, non public. La crise du Sud-Est asiatique a été causée par les emprunts excessifs de capitaux à court terme contractés par les banques et les entreprises locales auprès des grandes banques internationales et non par une mauvaise gestion de l’économie de la part des gouvernements. En faisant en sorte que les gouvernements réduisent la disponibilité du crédit interne, qu’ils réduisent leurs dépenses et leurs subventions, augmentent les taxes, abolissent des emplois dans le secteur public et haussent les taux d’intérêt, le FMI a, en réalité, intensifié la crise.

 

Les mesures imposées par le FMI ont fait de la crise du secteur financier une crise de l’économie réelle, effaçant du même coup trente années de réduction de la pauvreté et de croissance économique dans la région. Des personnes réelles avec des emplois réels ont été touchées de façon immédiate. Les taux d’intérêt élevés et l’accès réduit au crédit ont provoqué la faillite d’entreprises qui se retrouvaient incapables de rembourser leurs dettes. Le chômage est monté en flèche, éliminant une bonne partie de la classe moyenne asiatique. Les prix ont grimpé en raison des taux d’intérêt élevés et de l’effondrement de la valeur des devises, d’où une baisse du salaire réel. La réduction des programmes gouvernementaux dans les domaines de l’éducation, de la santé et du transport public a frappé plus durement les pauvres. L’agitation sociale et politique généralisée a suivi.

 

RÉPERCUSSIONS SOCIALES DES MESURES IMPOSÉES PAR LE FMI

 

Bien qu’il soit souvent difficile de mettre le doigt sur les répercussions directes qu’ont eues les mesures spécifiques imposées par le FMI sur la population du Sud-Est asiatique, certaines sont claires.

 

En Indonésie, le FMI a imposé l’élimination des subventions sur le carburant, le transport et l’électricité, ce qui a enclenché une série d’événements mémorable : les prix ont augmenté jusqu’à 71 %, des émeutes et des affrontements ethniques ont éclaté dans les villes du pays, forçant le dictateur Suharto à démissionner.

 

Le 14 octobre 1997, les autorités thaïlandaises ont réaffirmé publiquement leur soumission aux conditions du FMI en imposant une série de taxes dont la plus controversée était une taxe de un baht par litre d’essence. La population s’est immédiatement soulevée contre cette taxe, et le gouvernement a été forcé de la retirer trois jours seulement après en avoir fait l’annonce.

 

En Corée du Sud, une des conditions clés imposées par le FMI était la réforme du marché du travail , qui permettait aux entreprises de licencier les travailleurs et qui a eu des résultats dévastateurs dans un pays habitué à des taux d’emploi élevés. Le ralentissement économique ajouté à cette disposition du FMI a accéléré les fermetures d’entreprises et fait augmenter le taux de chômage. On estime à deux millions de personnes, soit 9 % de la population active, le nombre de personnes qui seront sans emploi d’ici la fin de 1998. Les entreprises ont fermé leurs portes au rythme de 200 par jour depuis le début de la crise, atteignant un sommet de 340 fermetures le 5 janvier 1998.

 

5. LE FMI A OUVERT DES ÉCONOMIES AFFAIBLIES À LA PROPRIÉTÉ CORPORATIVE ÉTRANGÈRE

 

Pendant que les institutions financières locales s’effondraient dans les pays du Sud-Est asiatique, le FMI imposait la déréglementation du secteur bancaire ainsi que d’autres secteurs économiques, et ce pratiquement du jour au lendemain, ouvrant ainsi la porte aux rachats d’entreprises par des intérêts étrangers à des prix dérisoires.

 

Ainsi, alors que les États-Unis et le Japon n’avaient pas réussi, après des années de négociations commerciales bilatérales, à obtenir l’accès à une Corée du Sud dite rotectionniste , les tactiques musclées du FMI y sont parvenues. Les conditions reliées aux prêts du FMI à la Corée du Sud entraînent une ouverture quasi complète du secteur financier, jusque-là fermé, à la propriété et à la présence étrangères. Ces changements risquent de faire entrer de force l’économie sud-coréenne dans la dépendance envers le capital étranger, notamment envers les mouvements de capitaux à court terme et les placements en actions, ce qui risque fort d’entraîner l’éclatement d’une nouvelle crise.

 

Même si nombre d’observateurs, y compris les syndicats locaux, applaudissent au démantèlement des monopoles locaux corrompus, la plupart d’entre eux déplorent la fin d’une souveraineté économique qui aura duré trente ans, ainsi que l’inquiétante expansion de l’influence américaine sur leur économie. L’économiste américain Rudi Dornsbush (MIT) l’affirme sans détour, " la Corée appartient maintenant à notre trésorerie - c’est le côté positif de la crise".

 

Le FMI a forcé la Thaïlande à ouvrir des institutions financières locales à la propriété étrangère à 100 % pendant une période pouvant atteindre dix ans et exerce des pressions pour ouvrir la propriété foncière aux étrangers, un tabou chez les Thaïlandais. Les États-Unis cherchaient à consolider leur présence en Thaïlande depuis un certain temps - la complicité entre l'aide financière du FMI et la politique commerciale américaine est évidente. Une déléguée commerciale américaine, Charlene Barshefsky, a affirmé que les États-Unis s’attendaient à profiter de nouvelles occasions d’affaires à la suite des réformes structurelles imposées à l’économie thaïlandaise.

 

L’imposition de conditions visant à ouvrir des pans d’économies vulnérables au bénéfice d’investisseurs étrangers et à accélérer le processus de libéralisation financière et de libéralisation de l’investissement ne fait pas partie du mandat du FMI et représente en fait un élargissement nouveau et inquiétant de son pouvoir. Le contrôle exercé sur le FMI par des pays puissants, particulièrement par les États-Unis, révèle des failles profondes dans sa structure de direction.

 

LE FMI PAIERA-T-IL LE PRIX DE SES ERREURS?

 

Il n’y aura aucune divulgation publique des conditions des opérations de sauvetage ni aucune transparence du processus de prise de décision, aucune explication du fondement théorique sur lequel les décisions du FMI ont été prises ni aucune évaluation des répercussions économiques, fiscales et sociales de ces opérations. Personne au FMI n’est tenu responsable de ses erreurs; en fait, l’institution fait tout ce qu’elle peut pour nier celles-ci.

 

Le FMI a commencé par rejeter la responsabilité de la crise sur la corruption et le favoritisme présents dans le pays. Plus récemment, le FMI a fait valoir que seul l’ordre dans lequel il avait appliqué ses mesures de redressement dans le Sud-Est asiatique était en cause et que la libéralisation du secteur financier à l’échelle mondiale restait le meilleur remède pour l’économie mondiale. Le FMI fait valoir que si le système bancaire d’un pays est correctement contrôlé et supervisé, et que les indicateurs économiques, monétaires et fiscaux sont surveillés avec soin, on évitera la crise. Ces mesures peuvent sans doute aider à empêcher les banques de prendre des risques excessifs et fournir des avertissements précoces de troubles à venir, mais elles ne s’attaquent pas aux causes sous-jacentes des crises. Tant que des mesures destinées à restreindre la mobilité internationale du capital ne seront pas appliquées, la répétition de ces crises est inévitable. (Voir notre fiche d’information intitulée Nous pouvons mettre un frein au grand casino des capitaux spéculatifs pour de plus amples renseignements sur le contrôle des mouvements de capitaux.)

 

En concentrant l’analyse sur les fautes du pays et en admettant des erreurs de degré mais non de substance, le FMI déplace le débat, se soustrait à toute vérification minutieuse, évite la culpabilité et protège ses fondements idéologiques.

 

UN AMI OCCULTE - Au printemps 1998, des citoyens des quatre coins du monde ont manifesté leur opposition à l’Accord multilatéral sur l’investissement (l’AMI). L’AMI aurait effacé les lois nationales limitant l'investissement étranger, il aurait garanti des droits aux banques et aux entreprises multilatérales et violé les droits fondamentaux des citoyens. L’offensive du FMI pour libéraliser la circulation des capitaux à l’échelle mondiale a été comparé à un AMI occulte, car il obtiendrait effectivement le même résultat par des moyens différents et beaucoup moins publics. Avant de conclure que l’AMI est mort, il faudrait regarder de près ce qui se passe au FMI.

 

QUELLE EST LA PROCHAINE ÉTAPE POUR LE FMI? DES CAPITAUX ET DES POUVOIRS ACCRUS

 

Le FMI réclame de ses membres qu’ils lui allouent 90 milliards $US d’argent neuf ainsi que des pouvoirs étendus de surveillance de l’économie de ses membres et d’intervention dans celle-ci.

 

Avec ce qu’on est forcé d’appeler de l’aveuglement volontaire, le FMI continue de planifier la déréglementation des mouvements de capitaux à l’échelle mondiale. Le FMI et bon nombre des pays du G7 qui en ont le contrôle, dont le Canada, préconisent une modification radicale de ses statuts. Les changements proposés, appelés libéralisation des comptes de capitaux , feraient disparaître les restrictions et les mesures de contrôle sur les mouvements de capitaux entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci. Ceci signifie que les résidents et les étrangers pourront facilement convertir leurs dépôts bancaires, leurs actions, leurs biens immobiliers et autres actifs dans la devise de leur choix, sur demande, et déplacer leur argent où bon leur semble. Qu’a-t-on à reprocher à l’ouverture des marchés? Les marchés financiers sont fondamentalement différents des marchés des produits. Les marchés financiers sont inefficaces, imprévisibles, prédisposés au grégarisme, à la flambée spéculative des prix et à la panique totale. Ils sont énormes, ils bougent rapidement, et ils peuvent engloutir les pays qui n’ont pas les moyens financiers (ce qui est le cas pour la plupart d’entre eux) de se défendre contre les retraits de capitaux intempestifs.

 

L’offensive du FMI en faveur d’une libéralisation totale du secteur financier est largement critiquée comme étant un mouvement exactement dans la mauvaise direction, qui pave la voie à de nouvelles crises financières. Comme le déclarait l’économiste en chef de la Banque mondiale Joseph Stiglitz, le dogme de la libéralisation est devenu une fin en soi et non plus un moyen de parvenir à un meilleur système financier .

 

Les nouveaux pouvoirs réclamés par le FMI exigent des changements à sa charte. De tels changements modifieraient fondamentalement l’institution. D’une organisation dont l’un des buts à l’origine était de restreindre la mobilité internationale du capital financier dans l’intérêt du commerce libre, de la stabilité des taux de change et du plein emploi, elle deviendrait une organisation encourageant la libre circulation des capitaux. Considérant que la fuite des capitaux dans le Sud-Est asiatique, et plus récemment en Russie et au Brésil, a entraîné un effondrement du marché, des fermetures de commerces et d’usines, un chômage généralisé et de l’agitation sociale, le FMI doit dire clairement dans l’intérêt de qui il opérerait si les modifications proposées étaient acceptées.

 

* [...] les revirements brusques qui se sont produits dans les économies nationales et qui étaient jusque là considérés comme hautement exceptionnels ont jeté un doute sur l’idée reçue selon laquelle il serait bon de laisser le capital circuler librement à travers les frontières. Dans la plus grande partie de l’Asie orientale, l’opinion populaire met la crise actuelle sur le compte du retrait soudain et déstabilisant du capital étranger. Peut-être le problème aurait-il été atténué, laisse-t-on entendre, si dès le départ on avait laissé entrer moins de capital étranger. + UN ÉCONOMISTE

 

RECOMMANDATIONS

 

Pendant que le débat faisait rage aux quatre coins du monde à savoir si on devrait accorder de nouvelles ressources et une autorité accrue au FMI, le Parlement canadien adoptait tranquillement, en juin 1998, une loi en vue d’augmenter sa part à titre de membre du FMI. Il n’y a eu aucune évaluation de la performance ou du mérite du FMI, ni aucun débat public avant que cette décision ne soit prise.

 

Par ailleurs, le Canada a consenti des prêts de 1,78 milliard $CAN aux gouvernements thaïlandais, sud-coréen et indonésien à titre de participation aux opérations de renflouement menées par le FMI. Il n’y a eu aucun débat public sur ces décisions non plus.

 

Ainsi, pendant que les Canadiens s’inquiètent de l’incapacité du FMI à gérer la crise du Sud-Est asiatique et contestent la croyance aveugle de cette institution dans la libéralisation du marché des capitaux, le gouvernement canadien sanctionne tacitement la performance, les politiques et la direction de l’institution sans que la population n’ait donné son avis.

 

Écrivez à votre député et au ministre des Finances, M. Paul Martin.

 

Demandez-leur pourquoi le Canada soutient le FMI, vu la preuve évidente de ses échecs.

 

Demandez-leur pourquoi le Canada croit dans la déréglementation des mouvements de capitaux à l’échelle mondiale, devant la preuve évidente de ses effets dévastateurs sur la vie des citoyens, sur leur emploi et sur leur avenir.

 

Exigez que la décision de financer le FMI soit annulée jusqu’à ce qu’on puisse tenir une enquête publique approfondie sur la façon dont le FMI a géré et continue de gérer une crise financière qui s’est étendue à l’échelle de la planète.

 

Le Canada ne doit pas remettre un chèque en blanc au FMI.‹