Jeudi, le 3 février 2005

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COMMUNIQUÉ

Pour publication immédiate

 

Dette : une coalition d’OSC canadiennes dénonce

les faiblesses de la proposition canadienne relativement à la dette

 

Ottawa, le 3 février 2005 – Une coalition d’organisations de la société civile canadienne a critiqué la proposition du gouvernement du Canada relativement à la dette, faisant valoir que celle-ci n’annule rien et ne comporte que des mesures frileuses pour répondre aux besoins des pays pauvres.

 

« La proposition rendue publique ce matin par le gouvernement du Canada ne répond pas entièrement aux besoins des pays les plus pauvres, car elle ne s’appliquera que pour une période maximale de dix ans, jusqu’en 2015, et ne mène absolument pas à une annulation intégrale de la dette », a déclaré John Mihevc, de KAIROS : Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice et président de la Coalition de l’Initiative d’Halifax.

L’Initiative d’Halifax se félicite certes du fait que le gouvernement s’est engagé à faire de nouvelles propositions au sujet de la dette des pays pauvres et à y tenir compte des États qui ne font pas partie de PPTE, mais pour le moment, il n’est question que d’une mesure circonscrite à un très petit nombre de pays. Les autres pays qui voudraient en bénéficier devront se contorsionner pour répondre aux multiples conditionnalités dictées par la Banque mondiale et le FMI.

 

Même dans le meilleur des cas, si tous les pays arrivent à respecter les conditionnalités et si tous les donateurs versent la contribution prévue, les pays admissibles seront encore aux prises avec 70 p. 100 de leur dette actuelle à la fin de l’initiative en 2015. La réalité, c’est qu’il s’agit d’une simple pause à l’issue de laquelle les pays pauvres devront reprendre la course en restant redevables de la majeure partie de leur dette. L’objectif officiel de l’initiative est de contribuer à la réalisation des Objectifs de développement du millénaire (ODM). Mais même si les ODM étaient atteints, on estime que plus de 900 millions de personnes vivront encore dans la pauvreté absolue en 2015, dont un grand nombre dans des pays pauvres étouffés par la dette.


« Il faut une solution permanente au problème de l’endettement, mais au lieu de cela, le Canada s’est plus ou moins rallié à la proposition britannique mise en avant par Gordon Brown, malgré les inquiétudes que les groupes de la société civile ont clairement exprimées en regard de ses faiblesses », a déclaré Gerry Barr, président-directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI).


La proposition canadienne fait écho à la proposition britannique en ce sens que l’initiative pourrait se terminer sans que rien n’ait été fait pour finalement annuler la dette des pays les plus pauvres. Après 2015, ces pays devront reprendre le service de leurs dettes multilatérales à moins qu’une évaluation menée à ce moment ne se traduise par une extension du programme. Par ailleurs, les pays débiteurs ne peuvent compter sur aucune certitude, sachant que les États créanciers, à la faveur d’un changement de gouvernement ou de politique, pourraient en tout temps suspendre ou modifier leur participation au programme..

Dernièrement, le Canada a été à l’avant-garde dans ce dossier en lançant son Initiative à l’égard de la dette, par laquelle il annulant certaines dettes qui lui étaient dues, en annulant une créance de 750 millions de dollars au bénéfice de l’Irak et en militant pour un moratoire sur la dette. Mais la proposition d’aujourd’hui inscrit le Canada parmi les suiveurs et non les meneurs.


« Le Canada peut encore jouer un rôle phare en réclamant une solution vraiment nouvelle et exhaustive au problème de la dette et des ressources de développement. Nous exhortons le ministre Goodale à profiter de la réunion du G-7 pour militer en faveur d’une véritable annulation de la dette au lieu de s’accommoder de demi-mesures qui ne règlent en rien le problème du fardeau insoutenable de la dette que supportent les pays les plus pauvres. L’annulation pleine et entière de la dette n’est pas une utopie; c’est une nécessité », selon Molly Kane, directrice générale d’Inter Pares et coprésidente du Forum Afrique-Canada.

 

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Renseignements :

John Mihevc, de KAIROS : Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice et président de la Coalition de l’Initiative d’Halifax

(416) 463-5312, poste 228

Molly Kane, directrice générale d’Inter Pares et coprésidente du Forum Afrique-Canada

(613) 563-4801

Katia Gianneschi, responsable des relations avec les médias pour le Conseil canadien pour la coopération internationale

(613) 241-7007, poste 311

 

Note explicative

 

La Coalition de l’Initiative d’Halifax communique avec le gouvernement du Canada depuis dix ans et a joué un rôle central dans les discussions concernant la dette cette fois-ci.

 

Dans sa dernière lettre envoyée au ministre Goodale (le vendredi 28 janvier 2005, à lire dans le site web de l’Initiative d’Halifax à www.halifaxinitiative.org) la coalition a exhorté le gouvernement du Canada à faire preuve de leadership en militant pour l’adoption d’une solution permanente véritable à la crise de l’endettement qui frappe les pays les plus pauvres en mettant en profit les multiples instruments financiers dont disposent les pays du G-7.

 

Dans la lettre, on peut lire qu’« au 30 juin 2004, la Banque mondiale détenait 3,5 milliards $US en provisions de pertes sur prêts et une valeur de 24 milliards $US de bénéfices non répartis. Nos recherches et celles d’autres sources démontrent clairement que l’utilisation d’une partie de ces réserves n’attaquerait pas l’intégrité financière de la Banque mondiale, celle-ci étant appuyée par ses 184 pays membres et étant reconnue sur les marchés financiers pour la prudence de ses politiques de crédit. »

 

Il existe une autre option, préconisée par les présidents Chirac and Lula da Silva, pour accroître les revenus, comme le prélèvement d’une taxe sur les transactions financières internationales, sur l’achat d’armes et sur les émissions de carbone.

 

Comme on peut le lire dans la lettre : « Le Canada pourrait jouer un rôle précieux en négociant un ensemble

de mesures donnant à chaque ministre des finances du G7 l’ occasion de contribuer à une solution véritablement innovatrice et globale aux problèmes de la dette et des ressources applicables au développement. »

 

En prévision de tout mouvement dans le sens de la proposition du Royaume-Uni, des groupes canadiens ont fait savoir que « toute nouvelle APD canadienne destinée au service de la dette doit s’ajouter aux augmentations annuelles de l’APD de 12 % pour les années 2005 à 2007 et de 15 % pour les années 2008 à 2015, augmentations nécessaires pour atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB d’ici 2015 ».

 

Par la proposition canadienne sur la dette annoncée aujourd’hui, il semble que le ministre Goodale ait malheureusement cessé de s’interroger sur l’utilité d’obliger les pays à respecter des propositions d’ajustement structurel élaborées à Washington au lieu de leur permettre de tracer eux-mêmes leur voie de développement en fonction des conditions locales.

 

La lettre souligne le fait qu’après son voyage en Afrique, l’an dernier le ministre Goodale a déclaré que le FMI et la Banque mondiale « devaient prendre davantage conscience des préoccupations et opinions

locales, notamment en ce qui touche la conditionnalité associée aux réformes structurelles » et a noté que « de nombreux pays à faible revenu y gagneraient s’ils cessaient de s’en remettre aux ressources du FMI et du régime traditionnel de conditionnalité ».

 

La proposition paraît en outre très modeste en regard de 750 millions de dollars offerts par le gouvernement canadien à l’Irak.

 

L’Initiative d’Halifax est une coalition d’organisations non gouvernementales voués à l’environnement, au développement et aux droits de la personne ou actives dans le milieu syndical ou religieux. Elle a été constituée en 1994 pour oeuvrer de concert à la transformation des systèmes financiers internationaux et de leurs institutions avec pour objectifs la pérennité environnementale, l’élimination de la pauvreté et une redistribution équitable de la richesse.