NOUVELLES RÉCENTES concernant LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES
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Crise alimentaire mondiale, la BM et le FMI réagissent
Alors que les discussions sur le nouveau rôle de la Banque mondiale au sein du « marché » des changements climatiques (voir Nouvelles publications), la nouvelle position du FMI sur la réforme des quotes-parts (voir LES FAITS) et l’agitation des marchés financiers semblaient devoir dominer l’ordre du jour des réunions du printemps de la Banque et du FMI, c’est l’inquiétude croissante suscitée par la crise alimentaire mondiale qui a dominé les discussions.
Face à la crise alimentaire, qui a vu le prix du riz, du blé et du maïs monter en flèche au cours des deux dernières années, les deux chefs de la Banque et du FMI ont lancé des appels à l’action et pris eux-mêmes certaines mesures. Le président Zoellick de la Banque a exhorté les donateurs à combler les 755 millions $US en assistance alimentaire d’urgence dont le Programme alimentaire mondial (PAM) a besoin pour atténuer la crise. Zoellick a aussi annoncé un crédit d’urgence de 10 millions à Haïti, où des émeutes alimentaires avaient éclaté, et proposé un « “New Deal” pour une politique alimentaire mondiale » qui serait associé à une aide immédiate et des efforts à long terme pour accroître la productivité agricole. Cette formule devrait se révéler intéressante. L’automne dernier, la Banque a été fortement critiquée, tant de l’intérieur pour son piètre dossier agricole en Afrique sud-saharienne que de l’extérieur pour la vision à l’égard de l’agriculture qu’elle a présentée dans son rapport annuel 2007 sur le développement mondial.
Pour sa part, le directeur général Strauss-Khan du FMI a déclaré que le Fonds cherche à adapter sa Facilité de protection contre les chocs exogènes – qui fournit une aide stratégique et financière aux pays à faible revenu victimes de chocs extérieurs inattendus – pour contrer les déséquilibres commerciaux résultant de la hausse des prix pour les pays importateurs nets de produits alimentaires. Or le FMI n’a encore annoncé aucune nouvelle ligne de crédit pour la prévention des crises depuis que la dernière a pris fin en 2003.
La BM, le FMI et l’ONU se sont engagés, depuis, à créer une équipe spéciale pour gérer cette crise.
Failing small farmers: The World Bank and agriculture, http://www.brettonwoodsproject.org/art-558763
Le Congrès américain adopte une loi sur l’annulation de dette
Ce mois-ci, la Chambre des représentants des É.-U. a adopté la Jubilee Act for Responsible Lending and Expanded Debt Cancellation, qui prescrit au Trésor américain de négocier une entente en matière de dette multilatérale avec 24 pays qui s’engagent à mettre ces économies au service de la lutte à la pauvreté. L’initiative d’aide aux pays pauvres très endettés (PPTE), le principal moyen par lequel l’allégement de dette est octroyé aux pays par l’entremise de la Banque mondiale et du FMI, couvre actuellement 41 pays admissibles (voir JUST THE FACTS septembre 2005 – en anglais). La Jubilee Act étend cette couverture à 24 autres pays, mais elle interdit également l’imposition de « toute condition à l’allégement de la dette, sauf celles qui favorisent la transparence et la lutte à la corruption ». Cette loi demande aussi un accroissement des ressources à distribuer aux pays les plus pauvres du monde, une plus grande transparence de la part des SFI, l’élaboration d’un cadre obligatoire de pratiques responsables dans le cas des futurs prêts et un audit des prêts « odieux, onéreux ou illégaux » accordés à certains pays par la Banque mondiale, le FMI et le gouvernement américain. La loi doit encore être adoptée par le Sénat, où elle bénéficie déjà de l’appui des deux grands partis.
The Jubilee Act (en anglais)
http://www.jubileeusa.org/jubilee-act.html
Ruggie vise les organismes de crédit à l’exportation
Le 7 avril, John Ruggie, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises (RSSG), a soumis son rapport final au Conseil des droits de l’homme (CDH) pour examen lors de sa réunion du 2 au 13 juin. Le RSSG réclame l’adoption d’un cadre stratégique portant sur : le devoir des États de veiller à la protection contre toute violation des droits de la personne par des tierces parties, notamment par les entreprises; la responsabilité des entreprises quant au respect des droits de la personne; et la nécessité d’assurer un accès plus efficace aux recours légaux.
Le RSSG identifie le devoir de protection des États comme une priorité stratégique urgente pour les gouvernements. Le professeur Ruggie souligne les opérations des organismes de crédit à l’exportation (OCE) et explique que peu d’entre eux tiennent compte expressément des droits de la personne. Il soutient que « les OCE, qui représentent non seulement des intérêts commerciaux mais, plus largement, l’intérêt public, devraient exiger de leurs clients qu’ils fassent preuve de la diligence requise relativement à leurs effets potentiels sur les droits de la personne. Ainsi, les OCE pourraient signaler les violations graves des droits de la personne exigeant une surveillance accrue – et éventuellement indiquer les cas où le soutien public ne devrait pas s’appliquer ou continuer. »
Dans un document préparé pour informer le RSSG, l’Initiative d’Halifax soutient que les États ont l’obligation, en vertu du droit international, de veiller à ce que leurs OCE fassent preuve d’une rigoureuse diligence en matière de droits humains. L’IH maintient que le gouvernement canadien manque à ses obligations et elle formule des recommandations pour remédier à cette lacune.
Protect, Respect and Remedy: a Framework for Business and Human Rights (à paraître en français)
http://www.reports-and-materials.org/Ruggie-report-7-Apr-2008.pdf
Export Credit Agencies and the International Law of Human Rights (en anglais) http://www.halifaxinitiative.org/updir/ECAs_and_HR_law.pdf
Babillard – Ce mois-ci…
- Le 31 mars, Finances Canada rendait public son Rapport annuel au Parlement sur les institutions de Bretton Woods. Le rapport de 2007 marque une amélioration substantielle par rapport aux années antérieures en offrant une présentation factuelle des deux institutions, une revue des événements et des positions canadiennes sur divers enjeux en 2007, ainsi qu’un tout nouveau cadre de travail à moyen terme qui formule une stratégie gouvernementale plus cohérente à l’égard de ces institutions. Comme par les années passées, l’Initiative d’Halifax (IH) a préparé une fiche d’analyse sur ce rapport annuel. Comme le rapport identifie enfin les positions canadiennes sur divers enjeux, l’IH proposera bientôt une critique de certaines de ces positions. http://www.halifaxinitiative.org/index.php/canada_and_the_ifis#
- Aux réunions du printemps, le président de la Banque Bob Zoellick a lancé une nouvelle Initiative pour la transparence dans les industries extractives (« ITIE++ »). L’ITIE encourage la publication intégrale et la vérification des paiements des sociétés et des recettes que les gouvernements tirent du pétrole, du gaz et des produits miniers. Une « ITIE++ » élargirait cette démarche pour inclure « l’attribution des marchés, le suivi des opérations, le recouvrement des impôts, l’amélioration de l’extraction des ressources et de la gestion économique, la maîtrise de la volatilité des prix et l’investissement rationnel des recettes pour promouvoir un développement durable ». http://www.cgdev.org/content/article/detail/15704/
- Le Cabinet néerlandais a appuyé une proposition du parti socialiste du pays visant à mettre fin au soutien par les Pays-Bas des conditions touchant les politiques économiques (sur la privatisation, la libéralisation du commerce et la réduction des dépenses en santé et en éducation) imposées aux pays en développement par la Banque mondiale. Le R.-U. et la Norvège ont déjà interdit l’attribution d’aide bilatérale à des programmes qui exigent la libéralisation du commerce et la privatisation.
- La Société financière internationale a approuvé l’attribution de 450 millions $ à la centrale au charbon controversée Tata en Inde, soulignant que celle-ci répondra aux immenses besoins énergétiques du pays. Les opposants soutiennent que la région recèle un énorme potentiel d’énergie solaire inexploré, que le charbon devra être importé de l’Indonésie et que les coûts de construction de la centrale montent en flèche.
Nouvelles publications
- Changer la donne: L’aide et la responsabilité dans le cadre de la Déclaration de Paris, Eurodad, avril 2008. On note quelque progrès face à l’engagement des bailleurs de fonds à améliorer la qualité de l’aide, notamment au regard des principes d’appropriation et de responsabilité. http://www.eurodad.org/aid/report.aspx?id=124&item=02166
- Sur les changements climatiques : World Bank: Climate Profiteer, Sustainable Energy and Economy Network, avril 2008 (en anglais). http://www.ips-dc.org/getfile.php?id=181 et No Additionality, New Conditionality: A Critique of the World Bank’s Proposed Climate Investment Funds, Third World Network, 31 mars 2008 (en anglais). http://www.twnside.org.sg/title2/climate/briefings/BP.bangkok.5.doc
- Le nouveau visage du financement du développement mondial – Incidences et répercussions sur l’aide, le développement, le Sud et les institutions de Bretton Woods – Rapport final, avril 2008, Coalition de l’Initiative d’Halifax (en anglais). http://www.halifaxinitiative.org/updir/FinalReport-ChangingFaceofGlobalDevelopmentFinance.pdf
Événements à venir
- Améliorer les normes de performance de la SFI – Réunion des banques signataires du Principe d’Équateur, des organismes de crédit à l’exportation et de la SFI, Washington DC, 7-9 mai 2008.
LES FAITS : Les nouvelles quotes-parts au FMI – beaucoup de bruit pour rien?
Dans le cadre de l’examen à moyen terme de 2005 visant à repenser la direction stratégique du FMI dans le contexte d’une économie mondiale en pleine transformation, le directeur général du FMI Rodrigo de Rato avait alors proposé un certain nombre de réformes à apporter au système des quotes-parts de l’institution (voir LES FAITS – Quotes-parts, votes et voix au FMI, 31 août 2006), apparemment pour donner plus de voix aux pays émergents à revenu moyen ainsi qu’aux pays sous-représentés à faible revenu.
L’ensemble des réformes adoptées à l’assemblée générale de Singapour de 2006 comportait cinq étapes :
b) une évaluation et une révision de la formule de détermination des quotes-parts;
c) une deuxième ronde d’augmentation des quotes-parts basée sur la nouvelle formule;
d) une augmentation des droits de vote des pays à faible revenu par un doublement des droits de vote de base;
e) et enfin, l’allocation de ressources additionnelles aux deux administrateurs représentant l’Afrique.
À la réunion du printemps de 2008, le conseil des gouverneurs a approuvé le reste des éléments de la réforme globale. La formule des quotes-parts finale comprend maintenant quatre variables pondérées différemment :
ii) 30 pour cent à l’ouverture commerciale, variable que les pays en développement du Groupe des 24 (G24) qualifient de sans fondement parce qu’elle est fortement corrélée au PIB et favorise les petits pays riches très actifs sur le plan commercial;
iii) 15 pour cent à la variabilité, qui mesure la volatilité du flux commercial et du flux des investissements;
iv) 5 pour cent aux réserves internationales. Un petit facteur de compression augmente ensuite légèrement la quote-part des plus petits pays et diminue celle des plus grands.
La deuxième augmentation ad hoc des quotes-parts touche 54 pays, les plus importants changements bénéficiant à la Corée, Singapour, la Turquie, la Chine, l’Inde, le Brésil et le Mexique. Les droits de vote de base ont grimpé de 250 à 750 mais ne constituent encore que 5,5 pour cent du total des droits de vote – la moitié de ce qu’ils étaient en 1945. Et les administrateurs issus des pays africains peuvent nommer un administrateur suppléant additionnel.
Les partisans du nouvel arrangement considèrent la nouvelle formule « simplifiée » comme un pas en avant pour faire en sorte que la gouvernance du FMI reflète davantage le poids de ses pays membres, notamment des économies émergentes, au sein de l’économie mondiale. Comme l’a dit son directeur général Strauss Khan, « le FMI est de retour! » Les détracteurs de l’arrangement, par contre, soutiennent que la formule n’entraîne qu’un changement marginal du vote et de la voix des pays en développement (qui n’augmente que de 1,6 pour cent), qu’elle ne corrige pas les déséquilibres sur le plan de la gouvernance (par exemple, les 27 pays de l’Union européenne détiennent toujours huit sièges au Conseil exécutif) et qu’elle est toujours désespérément loin de créer une représentation et une distribution des droits de vote équilibrées et inclusives.
Reform of IMF Quotas and Voice: Responding to Changes in the Global Economy (en anglais)
http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2008/040108.htm
IMF governance renovations: Fresh paint while foundations rot (en anglais)
http://www.brettonwoodsproject.org/art-561041