NOUVELLES RÉCENTES concernant LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES
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Projet de réforme de la gouvernance de la BM : du déjà vu
Faisant fi des critiques internes et externes concernant le caractère superficiel des réformes de la gouvernance effectuées récemment au FMI (voir Mise à jour, avril et juin 2008), la Banque mondiale semble prête à poursuivre dans la même veine lors des assemblées générales d’octobre avec de décevantes propositions pour augmenter les voix des pays en développement et en transition (PDT).
Un document de travail confidentiel en date de juin dernier exposait bien un certain nombre d’options encourageantes. Notamment : accroître les droits de vote des PDT en ramenant les droits de vote de base à leur niveau d’origine de 10,78 % (de 2,86 % actuellement); remplacer la prise de décisions à la majorité par un système à double majorité (pourcentages des membres et des voix) ou par un vote par pays membres plutôt que par blocs de pays; remplacer les quotes-parts de la BIRD selon le poids économique par un partage paritaire 50/50 entre les PDT et les pays développés; et renforcer la représentation au conseil d’administration par l’ajout de deux administrateurs africains, d’administrateurs suppléants et/ou de conseillers ou par l’adoption d’un système de rotation des sièges au CA entre les blocs de pays.
Or les administrateurs de la Banque – avec l’objection de nombreux PDT – semblent s’unir autour d’une proposition minimaliste qui ne diffère pas beaucoup de celle que le FMI a adoptée en avril. Cela pourrait signifier le triplement des votes de base, le maintien du poids économique (plutôt que la parité) comme critère de remaniement des quotes-parts de la BIRD, la création d’un fonds en fiducie pour permettre aux PDT d’acheter les souscriptions à l’IDA qui leur reviennent (bien que l’incitation à le faire soit mince puisque c’est sans rapport avec les sommes que les pays peuvent emprunter) et l’ajout d’un administrateur africain. Le processus décisionnel à la majorité, avec droit de veto aux États-Unis, sera vraisemblablement maintenu. Alors que la légitimité de la Banque est encore mise en cause, bon nombre de membres du conseil d’administration semblent s’être assoupis aux commandes.
Lettre mondiale sur la réforme de la gouvernance de la Banque mondiale (en anglais) http://www.halifaxinitiative.org/index.php/wbg_correspond/1107
Les normes de la BM ne protègent pas les droits de la personne
Un rapport récent préparé par des ONG révèle que ni les normes de performance de la Société financière internationale ni les principes de l’Équateur « ne constituent un cadre solide susceptible d’aider les responsables de projets à assumer leur responsabilité de respecter les droits de la personne ou d’en corriger les violations ». L’étude a été préparée par le Center for International Environmental Law (CIEL), le Bank Information Center, BankTrack, Oxfam Australie et le World Resources Institute afin d’informer le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.
Dans cette étude, on a appliqué l’outil d’évaluation du respect des droits de la personne (Human Rights Compliance Assessment - HRCA) mis au point par l’Institut danois pour les droits de la personne (Danish Institute for Human Rights). L’étude révèle que les normes de performance / principes de l’Équateur ne répondent pleinement qu’à 2 des 335 questions de « vérification exhaustive » du HRCA. Selon les auteurs, les normes de performance (voir « LES FAITS ») et les principes de l’Équateur auraient besoin d’être modifiés considérablement pour fournir aux responsables de projets les lignes directrices pouvant les aider à assumer leurs responsabilités en matière de droits de la personne. Ils invitent le Représentant spécial à se pencher sur cette question durant la prolongation de son mandat.
The International Finance Corporation’s Performance Standards and the Equator Principles: Respecting Human Rights and Remedying Violations? (en anglais), http://www.ciel.org/Ifi/IFC_Framework_7Aug08.html
Ruggie et la question des IFI et des droits de la personne
Plus tôt cette année, en conclusion de son mandat de trois ans, John Ruggie, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la question des droits de l’homme, des sociétés transnationales et autres entreprises, proposait un cadre stratégique pour ce qui concerne l’impact des opérations commerciales sur les droits de la personne (voir Mise à jour, avril 2008). Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a bien accueilli ce cadre stratégique (devoir de protection des droits de la personne par l’État, responsabilité des entreprises de les respecter et nécessité d’un accès plus efficace aux recours) et il a prolongé de trois ans le mandat de M. Ruggie.
Dans un document soumis au Représentant spécial, le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) invite M. Ruggie à concentrer son attention sur le rôle des institutions financières internationales dans la promotion du plein exercice des droits de la personne dans le contexte des activités des entreprises, une question à laquelle il n’a pas encore accordé priorité. Les institutions financières internationales soutiennent souvent des projets à haut risque pouvant avoir des incidences graves sur les droits de la personne, très souvent dans des zones de conflit ou aux prises avec des problèmes de faible gouvernance. Par ailleurs, la Société financière internationale (SFI) se présente comme la source de facto des normes internationales en matière de responsabilité sociale des entreprises relativement au financement des projets. Le RCRCE demande au Représentant spécial de porter son attention sur les IFI, qui sont des acteurs clés du développement et de l’application du cadre stratégique qu’il a proposé.
Soumission du RCRCE au Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la question des droits de l’homme, des sociétés transnationales et autres entreprises, http://www.halifaxinitiative.org/updir/CNCA_statement_re_Ruggie_report-July_08_FR.pdf
Babillard – Ce mois-ci…
- Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI – voir LES FAITS, nov. 2007) a rendu un jugement favorable au gouvernement de la Tanzanie dans un procès intenté par l’entreprise britannique de service d’eau Biwater. En 2005, le gouvernement avait annulé le projet de privatisation de l’eau, alléguant que l’entreprise n’avait pas respecté les objectifs de performance convenus. Bien qu’il ait reconnu que les droits d’investisseur de l’entreprise n’avaient pas été respectés, le CIRDI n’a accordé aucune indemnisation à Biwater (qui réclamait 20 millions de dollars), jugeant comme le gouvernement que Biwater n’avait pas tenu ses engagements contractuels. La privatisation du service d’eau était une condition indésirable des prêts du FMI et de la Banque mondiale.
- La Société financière internationale (SFI) a acquis une participation de 50 millions de dollars dans la compagnie Nitol, une entreprise russe responsable d’environ 9 pour cent de la production mondiale de polysilicium, un ingrédient de base dans la fabrication des photopiles. La SFI a aussi fourni un prêt de 25 millions de dollars à cette entreprise pour l’installation d’une nouvelle usine en Sibérie, ce qui devrait augmenter l’offre mondiale de cette substance et réduire le coût des panneaux solaires.
- La congresswoman américaine Maxine Waters a présenté un projet de loi (voir Mise à jour, 30 avril 2008) visant à empêcher les fonds à vautour de poursuivre des États pauvres devant les tribunaux américains. La pratique des fonds à vautour a été mise en lumière en 2006 lorsque Donegal a racheté de Romania des dettes de la Zambie d’une valeur totale de 40 millions de dollars US pour 3,2 millions de dollars US seulement, puis a poursuivi la Zambie devant une cour britannique pour 55 millions de dollars US. Voir (en anglais) http://www.halifaxinitiative.org/updir/PolicyBriefingPaper12ZambiaENwithlogo.pdf
- Le Panel d’inspection de la Banque mondiale a découvert des failles majeures dans le Gazoduc ouest-africain de 680 km, un projet de 500 millions de dollars visant à acheminer du gaz naturel du Nigeria vers le Bénin, le Togo et le Ghana. Entre autres, le Panel a découvert que les résidants déplacés étaient largement sous-indemnisés pour leurs terres et que la participation de la Banque mondiale n’avait pas réussi à réduire les effets de la pollution, de la chaleur, du bruit et de la lumière découlant du brûlage à la torche des gaz, contrairement aux promesses faites par les responsables. Le Panel a aussi dénoncé l’incapacité de la Banque à évaluer les répercussions du gazoduc sur les résidants du delta du Niger, source de la production gazéifère. Le plan d’action approuvé par le Conseil d’administration portera une attention particulière aux personnes déplacées et aux questions d’indemnisation, créera un mécanisme de grief efficace et améliorera la communication de l’information et la surveillance du projet.
Nouvelles publications ce mois-ci
- Roundtable on Conceptual and Operational Issues of Lender Responsibility for Sovereign Debt, Eurodad/Banque mondiale, juillet 2008. Rend compte des débats, des définitions, des expériences nationales et des propositions en vue d’établir des pratiques de crédit responsables. http://www.eurodad.org/uploadedFiles/Whats_New/Reports/Odious_Debt_Roundtable_Report_FINAL_July_17_08.pdf
- Le système de développement international : Perspectives du Sud sur la réforme, L’Institut Nord-Sud, 2008. Ce rapport couvre des questions telles que l’appropriation nationale, la cohérence des politiques, la légitimité et l’efficacité générale de l’aide, http://www.nsi-ins.ca/fran/research/progress/58.asp
Événements à venir
• Troisième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, Accra, Ghana, du 2 au 4 septembre.
LES FAITS: Les normes de performance de la SFI : intégrer la médiocrité
La Société financière internationale (SFI) est l’instrument du Groupe de la Banque mondiale qui fournit du crédit au secteur privé. En 2006, la SFI a révisé considérablement ses politiques sociales et environnementales et adopté des normes (ou critères) de performance. Cette révision faisait écho, en partie, aux critiques du Conseiller-médiateur pour l’application des directives de la Banque mondiale (CAO), qui déplorait le fait que la SFI soutenait des entreprises très peu soucieuses de leur responsabilité environnementale et sociale et qu’elle omettait d’investir dans des projets de nature à réduire la pauvreté et à promouvoir le développement durable.
Depuis leur adoption, les normes de performance de la SFI sont devenues l’instrument de mesure international servant à évaluer la performance environnementale et sociale des entreprises multinationales. Elles s’appliquent aux clients de la Société financière internationale dans le secteur privé et constituent également l’essentiel des normes de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI). Elles ont aussi été adoptées en 2007 par les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en vue d’être appliquées par leurs organismes de crédit à l’exportation. De plus, elles sont utilisées par une soixantaine de banques privées sous la forme des principes de l’Équateur. Enfin, au Canada, on étudie la possibilité de les adopter comme base d’une politique nationale de responsabilité des entreprises. Le Groupe consultatif des Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et l’industrie extractive canadienne dans les pays en développement a recommendé que ces normes de performance constituent un élément d’éventuelles « normes canadiennes de RSE ».
Bien que les normes de performance de la SFI constituent une amélioration par rapport aux normes précédentes de la Banque mondiale, elles soulèvent également de sérieuses questions. Ces normes représentent un virage vers un système plus souple, qui repose largement sur la discrétion des clients et des décideurs individuels à la SFI. Une marge de manœuvre considérable est prévue dans leur application et la non-conformité est tolérée en autant que les clients continuent d’améliorer leur performance. Ces normes de performande augmentent la dépendance à l’égard de l’information générée par le client et de l’autosurveillance par le secteur privé. En outre, elles ne répondent guère aux conclusions du CAO selon lesquelles la SFI a manqué à son devoir de sélectionner des projets répondant à son objectif de réduction de la pauvreté.
Pour ces raisons, et parce que les normes de performance ne protègent pas les droits de la personne internationalement reconnus, le Groupe consultatif à l’égard des Tables rondes canadiennes a réclamé la mise en place de directives canadiennes pour combler les nombreuses lacunes des normes de performance de la SFI.
Analyse des critères de performance de la SFI par l’Initiative d’Halifax : Un pas en avant, Un pas en arrière http://www.halifaxinitiative.org/index.php/World_Bank_Reports/683