Mise à Jour - le 29 mai 2009

Tensions liées au report de la conférence de l’ONU sur la crise
La Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale et ses effets sur le développement aura lieu du 24 au 26 juin, après avoir été prévue pour le début du mois, car de nombreux chefs d’État européens avaient déclaré ne pas pouvoir y participer en raison de la tenue d’élections au Parlement européen. Ce renvoi met un peu de répit dans un processus qui, lancé en octobre dernier, demeurait tendu depuis ce temps, en raison de la rupture qu’il fait ressortir entre les pays qui favorisent une réponse mondiale à la crise actuelle, accompagnée d’une véritable remise en question de la gouvernance de l’économie mondiale, et les membres du nouveau G-20 qui proposent un statu quo amélioré.

Les tensions ont atteint leur paroxysme ce mois-ci lorsque le président de l’Assemblée générale (PAG), qui avait convoqué la conférence, a déposé le premier projet de document final, base des négociations à la réunion de haut niveau. Le document qu’il a présenté différait nettement de la version que lui avaient soumise les deux pays coanimateurs de la réunion, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et les Pays-Bas, à qui avait été confiée la rédaction du document. Le PAG a déclaré que les révisions avaient été faites parce qu’il ne croyait pas que la version présentée par les animateurs reflétait bien les conclusions de la Commission d’experts (voir « LES FAITS ») ni ses propres rencontres avec les chefs d’États et de gouvernement. Bon nombre de pays du Nord ayant menacé de se retirer du processus, non qu’ils aient eu besoin d’une excuse, le PGA a depuis lors déposé une deuxième version du document qui soit acceptable par toutes les parties tout en incluant des éléments issus des recommandations de la Commission. Des négociations sur le document se tiendront jusqu’au 15 juin.

Au moment où les États se tournent vers la conférence de l’ONU, le gouvernement américain vient d’annoncer les dates et le lieu du prochain sommet du G-20, soit du 24 au 26 septembre à Pittsburgh.


Conférence de l’ONU sur la crise économique et financière mondiale et son incidence sur le développement, http://www.un.org/ga/econcrisissummit/

Lettre à Stephen Harper réclamant sa participation à la Conférence (en anglais), http://www.halifaxinitiative.org/index.php/Correspondence/1138 


Pascua Lama – EDC va-t-il viser l’or?
Ce mois-ci a vu le règlement de ce difficile conflit entre les gouvernements d’Argentine et du Chili concernant la mine Pascua Lama de Barrick Gold. Ce projet est le premier qui ait été élaboré dans le cadre d’un traité minier bilatéral qui permet l’extraction le long de la frontière des deux pays. Ce long conflit s’est réglé rapidement après que le fondateur de Barrick Gold, Peter Munk, ait rendu visite à la présidente de l’Argentine. Barrick est maintenant à la recherche de 1 milliard de dollars de financement pour le projet et vise les organismes de crédit à l’exportation. Bien qu’Exportation et développement Canada soit de toute évidence dans la mire de Barrick, EDC serait bien mal avisé de soutenir ce projet controversé.

Les collectivités locales voisines de Pascua Lama s’opposent farouchement au projet. Elles se disent préoccupées par l’effet du projet sur les glaciers et les rares ressources en eau. Un certain nombre de poursuites sont en cours concernant ce projet, dont une plainte déposée par la communauté autochtone Huasco-Altino devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Tout récemment, une requête en « injonction environnementale » a été déposée devant la Cour suprême d’Argentine afin de faire stopper le projet. Les autorités chiliennes font valoir que Barrick n’a pas les permis d’adduction d’eau nécessaires. Une coalition issue de la région touchée a réclamé du gouvernement chilien qu’il ordonne que le projet soit soumis à une nouvelle étude d’impact environnemental. Elle affirme que Barrick a multiplié les demandes d’autorisation à l’égard de divers volets du projet afin d’éviter une évaluation des effets cumulatifs du projet. En Argentine, un vif débat se poursuit concernant la protection des glaciers de ce pays contre les activités commerciales, y compris l’activité minière. Récemment, une loi qui aurait interdit l’activité minière dans des secteurs tels que la concession minière de Pascua Lama a reçu l’approbation unanime du Congrès, mais la présidente du pays y a opposé son veto.


Mauvaise médecine : la Banque mondiale échoue en santé
Dans un important rapport préparé par son propre chien de garde interne, le Groupe d’évaluation indépendant (IEG), la Banque mondiale a obtenu une note d’échec quant à l’efficacité de ses dépenses dans des programmes liés à la santé, notamment en Afrique, pendant la période de 1997 à 2008. Malgré une augmentation des dépenses de 7 à 17 milliards de dollars à l’échelle mondiale pendant cette période, l’IEG soutient qu’il y a eu très peu de progrès sur le plan de l’amélioration de résultats essentiels pour que les pays bénéficiaires atteignent les objectifs du Millénaire pour le développement, par exemple dans des secteurs comme la réduction de la mortalité infantile et maternelle.

L’IEG note que la performance est « particulièrement faible » en Afrique, 27 pour cent des projets seulement étant considérés comme satisfaisants. Il ajoute que la surveillance des programmes de santé « demeure faible » et que « l’évaluation est presque inexistante ». Plus encore, le manque de surveillance et d’évaluation adéquates a donné « des objectifs non pertinents, des conceptions de projet inappropriées, des cibles irréalistes et une incapacité de mesurer l’efficacité des interventions ». Dans sa réponse, la direction de la Banque mondiale a déclaré qu’elle reconnaissait une grande partie des conclusions du rapport et ses principaux aspects.

Ce rapport apporte de l’eau au moulin de la société civile selon laquelle le financement des programmes de santé devrait être acheminé non par la Banque mondiale mais par le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, qui affiche de meilleurs taux de succès que la Banque selon son propre rapport d’auto-évaluation.


Improving effectiveness and outcomes for the poor in health,nutrition and population (en anglais).
http://siteresources.worldbank.org/EXTWBASSHEANUTPOP/Resources/hnp_full_eval.pdf


Babillard – Ce mois-ci…

  • Le 3 mai, les ministres des finances de l’ANASE plus la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont accepté de créer une réserve commune de 120 milliards de dollars dans le cadre de l’Initiative de Chiang Mai. En 2000, en réponse à la crise financière en Asie, l’ANASE+3 autorisait ses membres à puiser dans leurs réserves de devises étrangères réciproques pour compenser d’éventuelles sorties soudaines de devises étrangères, afin d’éviter une déstabilisation de leur économie nationale. Avant de créer ce fonds, toutefois, il fallait établir une série d’ententes bilatérales portant sur les échanges de réserves monétaires, mais non un fonds réel. Les ministres mettront aussi sur pied un mécanisme de surveillance indépendant pour administrer le fonds. Pour en savoir plus, voir (bientôt) notre fiche d’information sur « L’Initiative de Chiang Mai – un pas de plus vers la création d’un fonds monétaire asiatique? ».
  • Dans sa consultation de l’article IV sur l’économie canadienne, le FMI salue le plan du gouvernement pour stimuler l’économie, qualifiant ce plan de «  en vue d’une efficacité maximale » (supposant que les provinces peuvent fournir des ressources équivalentes et que les programmes sont appliqués rapidement et efficacement). Il note aussi les bases macroéconomiques solides du Canada, la supervision et la réglementation du secteur financier, qui ont placé le Canada sur des assises saines au moment d’entrer dans la crise. Il indique enfin que le Canada pourrait, au besoin, offrir des mesures fiscales additionnelles pour stimuler l’économie, mais il fait une mise en garde contre l’application de nouvelles réductions d’impôts pour y arriver. Voir le rapport complet à http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2009/cr09162.pdf
  • Le Sénat américain a approuvé l’engagement du président Obama devant le G-20 de fournir une ligne de crédit de 108 milliards de dollars additionnels au FMI pour fins de prêts d’urgence. Des groupes américains de la société civile se sont dits déçus de cette décision car le versement des fonds n’est conditionnel ni à l’adoption de réformes au FMI, ni au fait de permettre aux pays en développement d’appliquer ces fonds à des programmes compensatoires (de dépense), ni au retrait de l’ensemble des restrictions sur les dépenses en santé et en éducation. Maintenant que les goussets du FMI sont bien garnis, les seules réformes que l’on peut en attendre sont des réformes touchant la gouvernance.
  • Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick a prévenu les pays de la montée possible de l’agitation sociale, au moment où les économies en difficulté et le chômage croissant font apparaître des politiques populistes et protectionnistes. Il s’est dit particulièrement préoccupé par la situation en Europe de l’Est et dans certaines parties de l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Déjà, les analystes ont noté que, depuis novembre 2008, 17 des 20 membres du G-20 ont instauré des mesures financières et commerciales protectionnistes.

Nouvelles publications ce mois-ci


Événements à venir

  • Réunion d’experts sur la reddition de compte des entreprises, Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, Colline du Parlement, 1er juin. 


LES FAITS: Sommaire du rapport de la Commission d’experts sur les réformes du système monétaire et financier international

Le 21 mai, la Commission d’experts de l’ONU, créée en octobre dernier par le président de l’Assemblée générale et présidée par le lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz, déposait ses conclusions finales. En voici les grandes lignes.

  • Les échecs en matière d’orientation dans un pays entraînent des réactions en chaîne dans d’autres pays. C’est pourquoi une réponse coordonnée à l’échelle mondiale est nécessaire.
  • Il est nécessaire de restaurer un bon équilibre entre le gouvernement et le marché. La crise est née d’une déréglementation excessive des marchés financiers guidée par des considérations idéologiques. Ce qu’il faut faire, c’est de réintroduire une réglementation sensée pour rétablir l’équilibre.
  • Les pays industrialisés devraient consacrer 1 % de leurs mesures de stimulation aux pays en développement – en plus de leurs engagements existants en matière d’aide – pour aider ces pays à compenser les effets de la crise.
  • Il faudrait établir une nouvelle facilité de crédit gouvernée de façon démocratique pour que les prêts et les subventions soient versés sans que des conditions y soient attachées.
  • Il faudrait émettre davantage de droits de tirage spéciaux (DTS), la « monnaie du FMI » qui augmente automatiquement les réserves de devises étrangères des banques centrales. On libérerait ainsi des dollars, des livres sterling, des yens et des euros qui pourraient être dépensés.
  • Il faudrait établir un nouveau système de réserve mondiale (DTS+) pour répondre à l’asymétrie des réserves nationales (p. ex., les réserves chinoises massives subventionnant la surconsommation américaine massive) en réorientant les réserves excédentaires vers des investissements dans l’économie réelle des pays en développement.
  • Les pays bénéficiaires devraient avoir davantage les coudées franches pour adopter leurs propres politiques, notamment pour se protéger contre la volatilité des marchés de capitaux et l’échec des réglementations dans certains pays importants.
  • Il faudrait explorer des mécanismes nouveaux et innovateurs pour financer le développement (p. ex., une taxe sur les services financiers).
  • Il faudrait créer un véritable cycle de négociations commerciales lié au « développement », susceptible de favoriser vraiment la croissance dans les pays en développement, de mettre fin aux formes actuelles de protectionnisme, d’arrêter immédiatement les subventions à l’exportation dans les pays développés et d’ouvrir les marchés des économies avancées aux exportations des pays les moins développés.
  • L’ONU devrait établir un mécanisme à court terme visant à améliorer la capacité de ses membres d’établir des politiques sur des questions d’économie et d’architecture financière mondiales; à long terme, il faudrait mettre sur pied un Conseil de coordination économique mondial au sein de l’ONU  à l’échelon des chefs d’État.
  • Il faudrait instaurer une réforme fondamentale de la gouvernance de la Banque mondiale et du FMI, avec système de double majorité.

Version préliminaire du Report of the Commission of Experts of the President of the United Nations General Assembly on Reforms of the International Monetary and Financial System  (en anglais) http://www.un.org/ga/president/63/interactive/financialcrisis/PreliminaryReport210509.pdf