La réponse du G-20 à la crise financière : l’argent, l’argent
Tous les yeux étaient tournés vers le Groupe des 20 (G-20) qui se rencontrait ce mois-ci à Londres et annonçait une colossale injection de 1,1 billion (ou millier de milliards) de dollars pour stimuler l’économie mondiale. Ce chiffre impressionnant et divers engagements concernant les paradis fiscaux, la réglementation et le renforcement de la capacité de prêt du FMI (voir « Les faits ») ont accaparé les grands titres et provoqué une réponse positive immédiate des marchés boursiers.
Mais le communiqué final du G-20 est loin d’avoir répondu aux attentes de la société civile qui réclamait une réforme plus systématique du système financier international et un new deal vert ouvrant sur une économie à faible émission de carbone. Le 28 mars, 40 000 personnes ont manifesté à Londres sous la bannière « emplois, justice, climat ». Leur appel n’a pas été entendu. Les nouvelles normes visant à réguler le système bancaire mondial demeurent vagues. Sur les mille milliards cent millions de dollars annoncés, on estime que 50 milliards de dollars seulement iront aux pays les plus pauvres, tandis que la prédominance des prêts sur les subventions laisse également présager une future crise de l’endettement. La gouvernance de la Banque mondiale et du FMI se limite à accélérer les plans existants. Pendant ce temps, le FMI – une institution qui a dû vendre ses réserves d’or et réduire son personnel pour contrer la baisse de ses revenus découlant du remboursement anticipé de plusieurs pays désireux de se soustraire à ses conditions austères – a peut-être amélioré sa situation financière mais non sa légitimité en prônant deux poids deux mesures, soit des politiques applicables au Nord et d’autres au Sud. L’écologisation de l’économie reste à l’état de souhait. Et les appels à une conclusion du cycle de négociations commerciales de Doha sonnent creux, car 17 pays membres du G-20 ont instauré des mesures protectionnistes et Doha favoriserait une plus grande libéralisation financière.
De nombreux représentants à l’ONU ont fait écho à ces préoccupations ce mois-ci lors d’échanges sur la prochaine Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale. Mais bien des pays du G-20, dont le Canada, ne prêtent pas attention. Ils en sont encore à compter l’argent.
G20 rehabilitates IMF, marginalizes UN (en anglais)
http://www.kairoscanada.org/fileadmin/fe/files/PDF/Publications/policyBriefing17G20vsUN.pdf
Un comité parlementaire débattra du projet de loi sur la responsabilité des sociétés
La loi conçue pour améliorer la responsabilité des sociétés minières, pétrolières et gazières canadiennes à l’égard de leurs activités à l’étranger a été adoptée en deuxième lecture à la chambre des Communes le 22 avril et sera bientôt débattue par les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Le projet de loi C-300, appelé Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement, a été déposée aux Communes par le député libéral John McKay. Cette loi vise à « assurer que les sociétés qui exercent des activités minières, pétrolières ou gazières et qui bénéficient d’un appui du gouvernement du Canada agissent conformément aux pratiques exemplaires internationales en matière d’environnement et respectent les engagements du Canada à l’égard des normes internationales de droits de la personne ». Si elle est adopté, la loi s’appliquera à Exportation et développement Canada, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi qu’à l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada. Voir « Les faits », Mise à jour, février 2009.
Projet de loi C-30
http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Docid=3658424&file=4
Le client de EDC, Barrick Gold, devant la Cour suprême de l’Argentine
La mine Veladero de Barrick Gold en Argentine, qui a reçu d’Exportation et développement Canada 200 millions de dollars de financement et d’assurances, a retenu l’attention de l’ombudsman national de l’Argentine en 2007 (voir IU Jan 2008). L’ombudsman avait réclamé l’arrêt des opérations de Barrick qui empiétaient sur une réserve de la biosphère de l’UNESCO dans les hautes Andes.
Ce moi-ci, un organisme écologique argentin a déposé une plainte à l’égard de la mine à la Cour suprême de l’Argentine. Les plaignants, qui expriment leur inquiétude que les opérations minières ne causent des dommages irréparables aux glaciers locaux, ont demandé à la cour d’émettre une ordonnance d’audit dans le but de vérifier si la société respecte les lois nationales.
Un intense débat se poursuit parmi les parlementaires argentins concernant l’avenir des glaciers de ce pays. En novembre dernier, la présidente Cristina Fernández de Kirchner opposait son veto à la loi protégeant les dépôts glaciaires. Cette loi, qui interdit les opérations minières, pétrolières et gazières dans les glaciers et autour de ceux-ci, avait reçu l’approbation unanime du Congrès. La loi qui a été défaite compromettait un certain nombre de projets prévus par la société canadienne Barrick Gold dans la région frontalière entre l’Argentine et le Chili.
Glaciares: Una denuncia a la Corte (en espagnol)
http://www.diarioedcuyo.com.ar/home/new_noticia.php?noticia_id=335925
Babillard – Ce mois-ci…
- Après le Mexique, la Pologne devient le deuxième État à rechercher le soutien de la marge de crédit flexible du FMI, lancée en mars afin de fournir du financement d’urgence sans conditions. Les pays doivent avoir réuni toutes les conditions préalables pour être admis au programme.
- Le FMI a publié ses Perspectives de l’économie mondiale (PEM) qui contiennent de sombres prédictions pour l’économie mondiale. Le ralentissement prévu est qualifié de « sensible » (la croissance en 2009 sera de –1,3 pour cent, en baisse par rapport à la prédiction de 0,5 pour cent de janvier). En contrepartie, le rapport ne fait aucune prédiction quant au moment où sera atteint le niveau le plus bas et il prédit que la reprise sera ensuite « lente et faible ». S’appuyant sur des perspectives de plus amples réformes du secteur financier, de stimulation fiscale et de soutien financier, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn prévoit une reprise en 2010.
- Le mois prochain, on s’attend à ce que la Banque mondiale approuve un montant de 100 millions de dollars pour des projets éoliens, de petits projets hydroélectriques et d’autres projets d’énergie renouvelable en Turquie. Ce seront les premiers projets couverts par le Fonds pour les technologies propres (FTP), qui fait partie des controversés Fonds d’investissement pour le climat (FIC) de la Banque mondiale. Au cours des mois qui viennent, un montant additionnel de 500 millions de dollars est prévu pour rendre plus vert le système de transport urbain et le secteur éolien du Mexique, ainsi que 400 millions de dollars pour les secteurs du transport et de l’électricité de l’Égypte. La société civile dénonce la contradiction où se trouve la Banque qui investit dans ces projets dans le contexte de l’augmentation massive du financement des carburants fossiles. « Banque mondiale, changements climatiques et énergie », octobre 2008, http://www.halifaxinitiative.org/index.php/Factsheets/1116
- La présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf a conclu une entente réduisant la dette commerciale du pays de 1,2 milliard de dollars additionnel au prix d’aubaine de 38 millions de dollars, soit 97 pour cent de rabais sur sa valeur nominale. La Banque mondiale, l’Allemagne, la Norvège, le Royaume-Uni et les États-Unis ont avancé les fonds pour la transaction. Cette initiative et d’autres ententes bilatérales et multilatérales ont permis de réduire la dette du Liberia de 4,9 milliards de dollars il y a deux ans à 1,7 aujourd’hui. http://blogs.cgdev.org/globaldevelopment/2009/04/liberia-cuts-its-debt-with-12-billion-buy-back-at-97-percent-discount.php (en anglais).
- La Banque mondiale a suspendu l’utilisation de son indicateur EWI (« Employing Workers Indicator »), utilisé dans sa publication la plus largement distribuée, « Doing Business ». L’indicateur EWI accordait la cote la plus élevée aux pays ayant le plus bas niveau de protection des travailleurs; il était aussi très critiqué pour avoir incité des dizaines de pays en développement à déréglementer leur marché du travail.
Nouvelles publications ce mois-ci
- UN Conference on the World Financial and Economic Crisis and its Impact on Development, NGLS Bulletin (bulletin du service de liaison de l’ONU avec les ONG), avril 2009. Un bon document de référence sur la conférence prochaine. http://www.un-ngls.org/IMG/pdf_ngls_bulletin_1.pdf
- Business and human rights: Towards operationalizing the “protect, respect and remedy” framework. Le 2e rapport du représentant spécial des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme (en anglais), http://www.business-humanrights.org/Links/Repository/715771
Événements à venir
- Symposium public de la CNUCED, La crise économique mondiale et le développement – Vers l’avenir, CNUCED (UNCTAD), 18-19 mai, Genève.
- Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale et ses effets sur le développement, New York, du 1er au 3 juin, s’inscrire d’ici le 13 mai à http://www.un-ngls.org/juneconference/
- Réunion d’experts sur la reddition de compte des entreprises, Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, Colline du Parlement, 1er juin.
Principaux résultats du Sommet du G-20 à Londres
- Le 1,1 billion de dollars annoncé sera divisé comme suit :
- 750 milliards au FMI en plus du produit existant des ventes d’or consenties l’an dernier. 500 milliards seront consacrés à améliorer la capacité de crédit du FMI et 250 milliards proviennent d’une nouvelle émission par le FMI de droits de tirage spéciaux (DTS). Ceci augmente immédiatement les réserves de devises des banques centrales, libérant des dollars, des yens et des euros applicables à des dépenses;
- 250 milliards pour le financement de transactions commerciales sur deux ans (50 milliards en sommes réelles pouvant servir de levier et générer 250 milliards par l’entremise des organismes de crédit à l’exportation (OCE) et de la Banque mondiale);
- 100 milliards pour les banques de développement multilatéral (300 milliards sur trois ans).
- Certains pays étaient d’accord pour discuter d’une « charte » qui permettrait de dégager un nouveau consensus mondial sur les valeurs et les principes clés d’une activité économique durable.
- Le FMI jouera un rôle accru de surveillance indépendante de l’économie mondiale et collaborera avec le Conseil sur la stabilité financière (CSF) à créer un système d’alerte rapide à l’égard des risques financiers à vernir. Le CSF remplace le Forum sur la stabilité financière (FSF) et comprendra tous les pays du G-20 (aucun pays en développement n’était membre auparavant).
- Sur la réforme du système bancaire mondial, il y aura une réglementation accrue des fonds de couverture « revêtant une importance systémique » (?) aux mains du FSB, des normes comptables améliorées et des règles plus strictes à l’égard des agences de cotation.
- Sur la réforme de la gouvernance à la Banque mondiale et au FMI, le G-20 a convenu d’accélérer les réformes existantes. Les progrès seront vraisemblablement lents à la Commission Manuel sur la réforme de la gouvernance du MFI et à la Commission Zedillo sur la réforme de la Banque, qui encadrent le processus.
- Sur les paradis fiscaux, le G20 publierait une « liste noire » de pays qui ne respectent pas les normes de transparence fiscale de l’OCDE. Cette « liste noire »est actuellement vide, bien qu’une « liste blanche » contienne toujours de nombreux paradis fiscaux importants. La convention modèle de l’OCDE qui est mise de l’avant est également boiteuse puisqu’elle représente une norme conçue pour des traités bilatéraux et applicable à des personnes et non à des multinationales. Ce qu’il faut arriver à obtenir, c’est un échange automatique d’information mondiale et multilatérale.
- Sur la conditionnalité, le G-20 soutient la nouvelle marge de crédit flexible du FMI, la réduction de ses conditions et la cessation de ses critères de performance structurelle. L’accent passe maintenant des ex-post-conditions (forcer les pays à faire des changements à leurs politiques économiques après avoir emprunté) à des ex-anté-pré-conditions).
- Sur le commerce, le communiqué réclamait un « résultat ambitieux et équilibré du cycle de Doha » et s’engageait à soutenir le financement des transactions commerciales (voir ci-dessus). Les organismes de la société civile se sont demandés si les OCE et la Banque mondiale étaient en mesure de promouvoir une reprise économique pouvant amener des avantages écologiques et sociaux.
- Les pays ont réaffirmé leur engagement envers les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et les niveaux d’aide au développement. L’Italie et l’Irlande ont tranché dans leurs budgets d’aide au développement au cours de la dernière année.
- L’ONU verra à « surveiller les répercussions de la crise sur les pays les plus pauvres et les plus vulnérables ». (Pas un mot sur la Commission d’experts Stiglitz ni sur la prochaine conférence de l’ONU.)
- Enfin, le G-20 a indiqué vouloir en arriver à une entente sur les changements climatiques à Copenhague plus tard cette année. Pratiquement aucun des mécanismes actuels de stimulation ne favorise une transition vers une économie à faible émission de carbone.
Communiqué et documents du G-20 (en anglais)
http://www.londonsummit.gov.uk/en/summit-aims/key-documents/