Mise à jour - le 30 juin 2009

Les pays riches bloquent le changement réel
En juin dernier, les Nations Unies ont été le théâtre d’une bataille entre le G77, un groupe de plus de 130 pays en développement, et les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Union européenne. La bataille portait sur les moyens de faire face à la crise financière et économique et de transformer et démocratiser le système financier mondial et ses institutions. Le document final de la Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale et ses effets sur le développement est positif en ce sens qu’il représente une véritable réponse mondiale et qu’il laisse une marge de manœuvre aux pays leur permettant d’exprimer leur point de vue sur la crise. Par contre, il manque la cible parce que les pays riches ont réussi à empêcher des solutions plus substantielles d’y être incluses (voir « LES FAITS »). Ceci est particulièrement affligeant vu l’abondance des idées générées par la Commission Stiglitz (Mise à jour, mai 2009), l’un des plus importants apports à cette rencontre.

« On dit qu’une crise s’accompagne d’occasions à saisir. Moi, je veux des occasions mais sans crise », a déclaré Raphael Correa, le président de l’Équateur, canalisant le sentiment de bon nombre d gouvernements de pays en développement frustrés face à une crise dont ils ne sont pas responsables. Avant la rencontre, les pays riches ont dénoncé la conférence comme étant une tribune pour la gauche radicale, pointant du doigt des leaders au franc parler tels que MM. Correa et Miguel D’Escoto, le président nicaraguayen de l’Assemblée générale et ex-sandiniste. Cependant, comme de nombreux pays en développement ont exigé des changements réels lors de leur intervention à l’Assemblée générale, ce sont maintenant les pays qui se contentent de maintenir le modèle en place qui semblent nettement plus radicaux que ceux qui cherchent des solutions pour prévenir la répétition d’une telle crise.


Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique,
http://www.un.org/fr/ga/econcrisissummit/

The UN conference on the financial crisis and development: outcomes and follow-up prospects (en anglais) http://www.eurodad.org/whatsnew/articles.aspx?id=3738


Le gouvernement canadien accroît le financement commercial
Ce mois-ci, le ministre des Finances du Canada Jim Flaherty et le président de la Banque mondiale Robert Zoellick ont signé une entente autorisant une contribution de 200 millions de dollars au nouveau Programme de liquidité pour le commerce mondial (PLCM) de la Société financière internationale, l’instrument de crédit au secteur privé de la Banque mondiale. Les 50 milliards de dollars offerts par le PLCM font partie d’une enveloppe de 250 milliards de dollars pour le financement commercial mondial annoncée lors du Sommet du G20 en avril dernier (voir Mise à jour, avril 2009).

On s’attend à ce que le financement offert par le PLCM contribue à réduire le prix du financement commercial mondial, lequel a augmenté en raison de la rareté du crédit mondial, à attirer de nouveaux capitaux privés pour l’exportation des marchandises et à inverser la forte baisse du commerce due à la crise économique mondiale. Le financement commercial absorbe une partie des risques liés aux activités commerciales dans les marchés en développement et en émergence en garantissant que les exportateurs seront payés puisque les marchandises sont assurées pendant qu’elles sont en transit.

Cette nouvelle du Canada coïncide avec l’annonce d’un financement du PLCM par la Citi Bank pour un montant de 1,25 milliard de dollars et l’annonce par la SFI de son intention de doubler ses investissements miniers, qui seront portés à 100 millions de dollars.


Le Canada et la Banque mondiale signent une entente de 200 millions de dollars américains pour appuyer le financement du commerce international,
http://www.fin.gc.ca/n08/09-058-fra.asp


Projet d’ordre du jour de Harper pour le G8 de 2010

Persuadé que le G8 (et non le G20 et encore moins l’ONU) demeure le principal instrument de prise de décision mondiale en matière d’économie, le premier ministre Stephen Harper a tracé les quatre principaux thèmes du Sommet du G8 de Muskoka qui se tiendra l’an prochain au Canada, devançant le G8 qui se tiendra en juillet prochain à L’Aquila, en Italie. Les quatre points saillants du Sommet sont « l’économie mondiale, les changements climatiques, le développement et la gouvernance démocratique ». Ceux-ci reprennent, bien que sous un angle différent, des thèmes semblables exposés dans une lettre adressée plus tôt ce mois-ci au Premier ministre par la société civile canadienne.

Présumant que l’économie mondiale est en voie d’entamer son rétablissement, le premier ministre Harper considère la rencontre de Muskoka comme une occasion de coordonner l’action des grandes économies pour « soulever » certaines des réponses stratégiques déjà en place en vue de combattre la crise. Il reste silencieux quant aux changements essentiels en matière de politiques et de réglementation à l’échelle mondiale qui sont toujours nécessaires pour éviter de nouvelles crises. Le sommet se penchera également sur les dimensions sociales du développement international, dans des secteurs tels que « la santé, l’éducation et […] le bien-être des mères et des enfants ». Selon Harper, le G8 et le nouveau partenariat entre les nations développées et en développement au sein du Forum sur l’énergie et le climat réunissant les grandes puissances économiques et dirigé par les É.-U. apportent « un élan politique aux négociations de l’ONU sur les changements climatiques ». Le sommet de 2010 sera ensuite l’occasion d’approfondir la collaboration mondiale dans un déploiement commercial de technologies propres. Au sujet de la gouvernance, les dirigeants devraient faire avancer la cause de « la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit » dans les « états fragiles et risquant de devenir défaillants » (l’Iraq, l’Afghanistan et Haïti?).


« The 2010 Muskoka Summit » (en anglais)
http://www.g8.utoronto.ca/scholar/G8-2009.pdf

Lettre à Stephen Harper sur les priorités de la société civile pour le G8 de 2010, (en anglais),
http://www.halifaxinitiative.org/index.php/correspondence/1140


Babillard – Ce mois-ci…
  • Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) a tenu une discussion publique sur la responsabilité des entreprises du secteur extractif canadien à l’étranger. Les orateurs comprenaient entre autres les députés Bernard Patry, Paul Dewar et Johanne Deschamps, ainsi que Gordon Peeling de l’Association minière du Canada et Michael Casey de Développement et Paix. Tous les orateurs ont exprimé leur soutien sans équivoque aux recommandations du Rapport du groupe consultatif sur les Tables rondes nationales sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et l’industrie extractive canadienne dans les pays en développement. Le gouvernement canadien a ignoré ces conclusions dans sa stratégie sur la RSE annoncée récemment.
  • EDC procédera à un examen de sa politique environnementale en vue d’en présenter une version révisée en 2009. La politique environnementale de EDC guide l’organisme dans sa prise de décision à l’égard de ses clients éventuels. EDC acceptera les présentations du public jusqu’au 26 août 2009.
  • Le 16 juin dernier, la ville russe de Yekaterinbourg accueillait le premier sommet officiel du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), les quatre pays représentant les plus vastes marchés émergents à croissance rapide. Les pays du BRIC représentent actuellement 15 % de l’économie mondiale et 42 % des réserves de change mondiales. En 2003, Goldman Sachs a prédit qu’avant 2027, leur importance économique dépasserait celle du G7.
  • La Banque mondiale a prédit que l’économie mondiale se contractera de trois pour cent cette année, soit le double de ce qui avait été prédit en mars, mais qu’elle affichera une remontée plus forte que prévue en 2010. Global Development Finance 2009, http://go.worldbank.org/771Y6SFAT0
  • Les organismes de crédit à l’exportation (OCE) allemand, australien et suisse retireront leur soutien au projet de barrage Ilisu le 6 juillet, soit le dernier jour d’un ultimatum adressé à la Turquie l’intimant de remplir les conditions environnementales rattachées au projet. Ces trois OCE avaient lancé la procédure de retrait de leur soutien en octobre dernier.

Nouvelles publications ce mois-ci
  • Beyond the London Summit: Assessing the UK government's response to the financial crisis and charting a way forward, par l’alliance Put People First, juin 2009. Ce rapport contient une analyse des progrès réalisés au G20 d’avril dernier, une démonstration de la façon dont la rencontre a permis de renforcer plusieurs des institutions responsables de l’application des politiques qui ont provoqué la crise, et des appels aux gouvernements pour qu’ils apportent les changements économiques que l’on attend toujours. http://www.putpeoplefirst.org.uk/wp-content/uploads/2009/06/ppf-beyond.pdf
  • Bail-out or blow-out? IMF policy advice and conditions for low-income countries at a time of crisis, Eurodad, juin 2009. Malgré une certaine souplesse accrue, le FMI impose toujours des politiques fiscales et monétaires contraignantes aux pays à faible revenu, de même que des réformes structurelles controversées. http://www.eurodad.org/whatsnew/reports.aspx?id=3679
  • Country by Country Reporting – Holding Multinational Corporations (MNCs) to Account Wherever They Are, Task Force on Financial Integrity and Economic Development, juin 2009. Ce rapport décrit en détail un nouveau système de reddition de comptes des entreprises multinationales par pays destiné à améliorer la transparence et à enrayer l’évasion fiscale. http://www.financialtaskforce.org/wp-content/uploads/2009/06/Final_CbyC_Report_Published.pdf



Événements à venir

  • Sommet du Groupe des huit, L’Aquila, Italie, du 8 au 10 juillet.



LES FAITS : Document final – Conférence de l’ONU sur la crise financière
Adopté par consensus, le document final de la Conférence réaffirme l’importance du rôle de l’ONU dans les questions économiques internationales; il présente un diagnostic honnête sur la façon dont la crise se déroule, ses causes, ses effets et certains défis; il donne également une idée de ce qui doit changer. Il déçoit cependant en ne donnant pas d’indication sur ce qui « peut » changer. Voici un relevé des progrès réalisés lors de cette Conférence par rapport au G20 d’avril (Mise à jour, avril 2009) et à la Conférence de Doha sur le financement du développement (Mise à jour, décembre 2008) :

  • En même temps qu’il encourageait les pays industrialisés à dépenser davantage, le FMI exigeait de plus en plus de compressions de la part des pays en développement. Le document de l’ONU réclame de nouveaux mécanismes capable d’assurer la distribution de nouvelles ressources aux pays en développement afin de leur permettre d’appliquer des politiques (budgétaires) anticycliques (§14), et il souligne la nécessité de laisser une plus grande marge de manœuvre aux pays pour prendre de telles mesures (§13, 14, 18), notamment en imposant des « restrictions temporaires au mouvement des capitaux » et des « suspensions temporaires du service de la dette » (§15). Il réclame également du FMI qu’il rationalise les conditionnalités et qu’il veille à ce que les nouveaux programmes ne comportent pas de « conditionnalités procycliques injustifiées » (§17).
  • Le FMI ayant déjà noté que 28 pays subissent une pression constante parce qu’ils disposent de moins de trois mois de réserves pour couvrir leurs importations essentielles, il est inquiétant de constater que le document offre si peu d’éléments pour contrer la menace d’une crise de l’endettement. Il se contente de demander aux États d’honorer leurs engagements concernant l’allégement de la dette (§34) et de faire davantage pour éviter une nouvelle crise de l’endettement (§33). Il ouvre cependant la porte aux pays qui voudraient instaurer des mesures temporaires de stabilisation de la dette (gel du service de la dette) (§15) et explorer « la nécessité et la faisabilité d’un cadre mieux structuré en vue de la coopération internationale » – un bien petit pas vers la réalisation d’un mécanisme de restructuration de la dette.
  • À la suite du G20 d’avril, le FMI a convenu d’émettre des droits de tirage spéciaux (DTS) d’un montant de 250 milliards de dollars. Bien qu’ils soient alloués proportionnellement à la taille de l’économie des pays plutôt qu’à leurs besoins, ces DTS augmentent les réserves de devises étrangères des banques centrales, libérant ainsi des dollars, des yens ou des euros qui peuvent être consacrés aux dépenses. Ils portent un faible intérêt et ne sont pas accompagnés de conditions. L’appel à ratifier l’amendement des statuts du FMI pour permettre l’utilisation des DTS à des fins de développement est aussi positif.
  • On a beaucoup dénoncé l’inefficacité des asymétries entre les réserves de certains pays (p. ex. les énormes réserves chinoises finançant la surconsommation américaine) et la dépendance exagérée de l’économie mondiale envers le dollar. Pour y remédier, le document demande aux États d’examiner « dans quelle mesure un système de réserves plus efficace est faisable et souhaitable ».
  • Malgré le souhait des pays riches que cette première conversation de l’ONU sur la crise financière et économique soit aussi la dernière, deux mécanismes institutionnels permettant de poursuivre la démarche demeurent intacts : un « groupe de travail à composition non limitée créé par l’Assemblée générale » afin d’assurer le suivi du document final et un « groupe spécial d’experts sur la crise financière et économique mondiale » chargé d’offrir des conseils et des analyses techniques.

Projet de document final de la Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/CONF.214/3&referer=/english/&Lang=F

Document préliminaire de la société civile (en anglais),
http://www.ffdngo.org/sites/halifaxinitiative.org/files/Final_CS_Background_Document.pdf