Mise à jour - le 31 octobre 2008

Le FMI reprend du service, mais reste politiquement ruiné
Avant même que le président Bush n’annonce son projet de tenir le Sommet du G-20 sur la crise financière, qui aura lieu le mois prochain (voir « Les faits »), le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Khan, réclamait pour le FMI un rôle de première ligne dans le règlement de la crise. L’an dernier, Strauss-Khan voyait le rôle du FMI comme étant d’éteindre des feux, c’est-à-dire d’appliquer des modalités de prêts d’urgence plus souples pour régler les crises alimentaire, pétrolière et financière, mais après une volte-face totale, il le voit maintenant comme un rôle de « coordonnateur mondial des affaires réglementaires », de banque centrale mondiale.

Ce n’est pas surprenant vu le contexte actuel, mais ce l’est dans le contexte de la dernière année. Jusqu’ici, la plupart des pays développés ont ignoré les sombres prédictions économiques du FMI, ses appels à la régulation et ses stimuli monétaires et fiscaux. Pour cela, les pays à revenu moyen ont abandonné le FMI et remboursé leurs prêts à l’avance pour échapper à ses politiques macroéconomiques austères. Aussi, tandis que l’on pourrait s’attendre à ce que le récent virage du FMI suscite l’intérêt des économies du Nord soucieuses de restaurer la confiance dans leurs marchés et leurs institutions financières, les gouvernements du Sud n’y voient qu’une politique de deux poids deux mesures ou de « faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais ». Le Mexique a refusé de faire appel au FMI (ce que le Pakistan, la Turquie et l’Islande avaient espéré pouvoir faire), choisissant plutôt d’autres institutions.

Paradoxalement, au moment où la crise lui ouvre de nouvelles possibilités d’affaires – avec l’Islande, l’Ukraine, la Hongrie, le Pakistan, la Corée du Sud et la Turquie – le FMI est aux prises avec sa propre crise financière. Abandonné par la majorité de ses emprunteurs, il attend l’autorisation de vendre ses stocks d’or pour renflouer ses fonds. Mais si l’arrivée de ce capital financier peut redresser sa situation comptable, le capital politique dont il a encore besoin pour jouer le rôle qu’il veut s’attribuer est loin d’être acquis.


The IMF is back in business, Bank Information Centre,  http://www.bicusa.org/en/Article.3929.aspx (en anglais)

Critical thinking on the financial and economic crisis, http://www.casinocrash.org/ (en anglais)  


La justice se fait attendre pour les victimes de Kilwa
Le 14 octobre marquait le quatrième anniversaire du massacre du Kilwa (voir la Carte minière), tandis que les groupes congolais et internationaux demandent encore justice pour ses victimes. Il y a quatre ans, l’entreprise canadienne Anvil Mining fournissait un soutien logistique aux forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) pour supprimer une insurrection dans la ville de Kilwa. Au moins 73 civils ont été tués, et un enquêteur de l’ONU a révélé que des avions, des véhicules, du personnel et des vivres appartenant à Anvil Mining ont été utilisés par l’armée durant l’attaque.

Neuf soldats congolais ont bien été poursuivis par l’armée congolaise pour crimes de guerre, et trois employés d’Anvil pour complicité – parmi eux le directeur général canadien Pierre Mercier – mais ils ont tous été acquittés par le tribunal militaire en juin 2007. À l’époque, les instances judiciaires avaient été largement critiquées, y compris par Louise Arbour, alors Haut Commissionnaire de l’ONU aux droits de l’homme, pour diverses irrégularités. Une procédure en appel a été engagée six mois plus tard, en décembre 2007, mais le tribunal militaire a refusé la demande d’appel sur les acquittements de Kilwa et n’a retenu que la demande d’appel de deux soldats des FARDC à l’encontre de leur condamnation à perpétuité pour des crimes sans rapport avec l’affaire et commis dans la ville de Pweto. La loi congolaise ne prévoit pas d’autres recours judiciaires pour les victimes et leurs familles.

L’Agence multilatérale de garantie des investissements de la Banque mondiale a fourni 13,3 millions de dollars à ce projet.


Voir le rapport http://raid-uk.org/docs/Kilwa_Trial/Kilwa-chron-FR-170707.pdf
La crise financière à l’ordre du jour des réunions annuelles
Bien que, cette année, les réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI aient surtout porté sur la réponse à la crise financière, elles se sont aussi penchées sur des sujets variés. Ainsi, on a pris certaines  décisions touchant la réforme de la gouvernance de la Banque (modifications marginales des droits de vote, ajout d’un administrateur africain et abandon par les É.-U. de leur prérogative quant au choix du président de la Banque). Dix donateurs ont promis une participation de 6,1 milliards de dollars aux nouveaux Fonds d’investissement pour le climat (FIC) de la Banque et ont pris quelques décisions initiales touchant sa structure de gouvernance (voir la nouvelle fiche d’information). Dans un virage spectaculaire par rapport à ses mornes projections habituelles quant au montant d’aide effectivement absorbable par les pays en développement, le FMI a publié un nouveau rapport explorant les effets macroéconomiques d’une augmentation de l’aide à des niveaux qui permettraient aux pays bénéficiaires de réaliser les objectifs du millénaire pour le développement (comme par hasard, on s’attend à ce que les budgets d’aide se ressentent de la crise financière). Par ailleurs, le programme officiel des séminaires a mis l’accent pendant trois jours sur les crises alimentaire et pétrolière. Comme il l’a fait l’an dernier (voir Mise à jour, octobre 2007), le président Zoellick de la Banque a prononcé un discours marquant immédiatement avant les réunions, déclarant cette fois la disparition du G-7 et du lourd G-20 au profit d’un groupe directeur souple et mouvant de 14 membres. Il a également annoncé la création d’une Commission de haut niveau, présidée par l’ex-président mexicain Ernesto Zedillo, pour orienter la suite des réformes de la gouvernance de la Banque – à la grande surprise de son conseil d’administration!
Voir les communiqués du Bretton Woods Project sur les réunions annuelles 2008,
http://www.brettonwoodsproject.org/art-562654
Babillard – Ce mois-ci…
  • Le Soudan a été choisi pour présider le Groupe des 77 (G77), une coalition non structurée de pays en développement qui s’efforce de promouvoir les intérêts collectifs de ses membres aux Nations Unies. À titre de pays président, le Soudan agira comme leader sur les questions économiques, les négociations commerciales internationales, les Objectifs du millénaire pour le développement, les changements climatiques, la pauvreté et la crise alimentaire.
  • À la veille des réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI, plus de 200 organisations de toutes les régions du monde œuvrant dans les domaines de la santé, l’éducation, le développement, la foi religieuse et l’action syndicale ont émis une déclaration demandant au FMI de modifier certaines politiques qui ont eu pour effet de limiter les investissements en faveur du développement dans les domaines de la santé, l’éducation et le VIH-sida dans les pays en développement. https://salsa.democracyinaction.org/o/1678/images/GlobalLetterFINAL.pdf
  • L’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont entamé la procédure officielle visant à retirer leur soutien financier au barrage Ilisu en Turquie. Ces pays ont lancé le processus de retrait au début du mois en faisant parvenir un avis de non-respect de l’environnement au gouvernement turc. La Turquie a maintenant 60 jours pour se conformer aux clauses du projet Ilisu.
  • Le 15 octobre, les membres de la Banque interaméricaine de développement (BID) accueillaient un 48e membre : la Chine. Avec son adhésion, la Chine acceptait de verser une contribution de 350 millions de dollars pour des projets de développement en Amérique latine et dans les Caraïbes, dont 125 millions seront versés au Fonds d’opérations spéciales, le guichet de prêts concessionnels de la BID.
  • Le Comité monétaire et financier international (CMFI) a choisi comme président Youssef Boutros-Ghali, ministre des finances de l’Égypte, le premier à provenir d’un marché émergent ou d’un pays en développement. Il remplace le ministre italien des finances Padoa-Schioppa (voir Mise à jour, juillet 2008) et a battu à ce poste le ministre canadien des Finances Jim Flaherty.
  • La Société financière internationale de la Banque mondiale a nommé Greg Radford, l’éco-conseiller en chef d’Exportation et développement Canada (EDC), au poste de directeur de l’environnement et du développement social.

Nouvelles publications ce mois-ci
  • Making Financial Markets Work for Development, Peter Wahl, World Economy, Ecology and Development, octobre 2008. Un document de travail en vue de la Conférence internationale de suivi chargée d’examiner la mise en œuvre du Consensus de Monterrey, qui se tiendra à Doha, au Qatar, du 29 novembre au 1er décembre 2008. http://www.weed-online.org/themen/english/1760431.html
  • Foire aux questions sur les fonds d’investissement souverains (en anglais seulement), Kavaljit Singh, The Cornerhouse, http://www.thecornerhouse.org.uk/pdf/document/FAQsSWFs.pdf
  • Le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’homme a inauguré son portail Internet qui présente des cas de poursuite contre des entreprises pour violation des droits humains, http://www.business-humanrights.org/LegalPortal

Événements à venir
  • Réunion officielle des ministres du Groupe des 20, Brésil, 8-9 novembre.
  • « Sommet spécial sur la situation financière » réunissant les membres du Groupe des 20; ateliers et rallies parallèles; Washington, 14-15 novembre.
  • La Conférence internationale de suivi sur le financement du développement chargée d’examiner la mise en œuvre du Consensus de Monterrey se tiendra à Doha, au Qatar, du 29 novembre au 2 décembre.

LES FAITS : Pressions en faveur d’un prétendu «nouveau Bretton Woods»
En juin 1944, les représentants de 44 gouvernements se réunissaient à Bretton Woods, au New Hampshire, dans le cadre de la Conférence monétaire et financière des Nations Unies. Leur objectif était d’établir une nouvelle architecture institutionnelle afin d’améliorer la coopération économique et monétaire intergouvernementale au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La rencontre donna naissance au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale et à l’idée d’une Organisation internationale du commerce, la création de l’OIC ne de devant finalement se réaliser que dans les années 1990.

Suggérée par la crise financière, l’idée d’une seconde rencontre de Bretton Woods a récemment fait surface. En juin dernier, onze chefs d’États du Commonwealth réunis autour du Premier Ministre du R.-U. Gordon Brown adoptaient la Déclaration de Marlborough House sur la nécessité de réformer les institutions financières internationales. En plus d’établir les grands principes d’une réforme, cette déclaration demandait un soutien international élargi à la tenue d’une conférence internationale visant à redéfinir les objectifs et la gouvernance des institutions de Bretton Woods. En septembre, le président français Nicolas Sarkozy réclamait un « sommet mondial » pour reconstruire un « capitalisme régulé ». Cette idée était reprise à la mi-octobre sous différentes formes dans la déclaration des leaders du G8 sur l’économie mondiale et le Conseil de l’Union européenne. Finalement, le 22 octobre, le président américain George Bush annonçait la tenue à Washington, le 15 novembre, d’une réunion du Groupe des 20 qui sera vraisemblablement suivie d’autres réunions.

La veille de cette annonce, le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Miguel d'Escoto, nommait Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, à la présidence d’un groupe de travail de haut niveau chargé d’examiner le système financier mondial, y compris la Banque mondiale et le FMI. Prenant la parole le 30 octobre devant un groupe de haut niveau des Nations Unies sur la crise financière, Stiglitz et d’Escoto ont tous deux critiqué l’idée du G-20 en disant que l’on recherchait « des solutions rapides derrière des portes closes », alors que la solution devrait émaner d’un G-192.

Cette opinion reprenait une déclaration émise le 29 octobre par 630 organismes issus de 104 pays, par laquelle ils réclamaient une réponse réellement mondiale à la crise et proposaient une série de conditions et de moyens pour y arriver. Cette déclaration désignait également l’ONU comme l’organisme qui, grâce à sa vaste représentation, pouvait convoquer un tel événement. 

Enfin, la rencontre tenue en novembre sur « le financement du développement » (voir FAQ) soulève aussi la possibilité de tenir une « grande conférence internationale afin de réviser l’architecture financière et monétaire internationale et les structures de la gouvernance économique mondiale ».


Voir « A global summit to reform the international financial system - Intelligence and responses towards a so-called "Bretton Woods 2" », http://www.brettonwoodsproject.org/art-562756 

POUR SIGNER LA PÉTITION D’APPUI à la Déclaration sur l’éventuel « Sommet mondial » visant à réformer le système financier international – 29 octobre 2008, visiter http://www.choike.org/bw2