Document de politique : Le Canada à la Banque Mondiale et au Fonds monétaire international - l’heure d’un examen systématique de notre rôle et de notre implication est venue - Mars 2007

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Contexte
Le projet de C-293, la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle, est en dernière lecture au Sénat. Advenant son adoption, cette loi garantirait que le budget alloué à l’aide est utilisé pour éradiquer la pauvreté et promouvoir les droits de la personne. Cette loi accentuerait également l’obligation de rendre compte des membres du Parlement concernant la manière de dépenser cet argent. Cette loi prévoit une amélioration des mécanismes de divulgation concernant l’enveloppe de 318,27 millions $ pour 2006-2007 allouée à la Banque mondiale. L’adoption de cette loi constituerait un pas important et constructif. Advenant des élections, le projet de loi serait déposé de nouveau au nouveau parlement.

Les modifications apportées par le ministère des Finances du Canada pour son rapport annuel au Parlement concernant les institutions créées en application des Accords de Bretton Woods (la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI)) seront également accueillies favorablement. En revanche, le rapport ne réussit pas à cerner deux points : d’une part, les stratégies, les buts et les objectifs à long terme du Canada au sein de ces institutions, d’autre part, comment l’implication du Canada contribue à un programme de développement centré sur l’éradication de la pauvreté et la promotion des droits de la personne. Notre inquiétude provient d’études indépendantes -- et d’éléments de preuve fournis par des partenaires des pays en voie de développement -- qui remettent en cause la capacité de la Banque mondiale et du FMI d’atteindre ces objectifs. Il est grand temps de procéder à un examen systématique de la position du Canada au sein de ces institutions et de mettre en place des outils afin d’améliorer la transparence et l’obligation de rendre compte du gouvernement à la Banque mondiale et au FMI.

Crise à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international
Crise financière du Fonds
Au cours des deux dernières années, sept pays ont remboursé près de 35,5 milliards $ de dettes avant échéance. Le FMI a perdu des revenus en paiements d’intérêts à cause de ces remboursements anticipés et doit maintenant composer avec écarts budgétaires de 103 millions $USD pour l’année financière 2007 et 369 millions $USD pour l’année financière 2010. Depuis 2005, plusieurs pays ont affirmé qu’ils n’emprunteraient plus au FMI à cause des politiques d’austérité assorties aux prêts de l’institution. Ces conditions ont fait dire au gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Mervyn King, que le FMI doit entreprendre une réforme radicale de sa structure avant de tomber en « désuétude ».

Déficit démocratique
L’ensemble des réformes présentées par le FMI ne propose que des changements mineurs à l’actuelle répartition des votes, qui repose sur l’importance de l’économie d’un pays, et ne fait que très peu (voire rien) pour consolider la voix des pays les plus pauvres. Les 53 pays africains ne comptent que deux membres au Conseil d’administration (sur un total de 25), et ne constituent que 4,5 % du vote total.

Pratiques austères et nuisibles
En décembre 2007, l’organe de vérification interne de la Banque mondiale, le Groupe d’évaluation indépendante, a évalué que la Banque avait échoué, au cours de la dernière décennie, dans sa mission qui consiste à accroître les revenus des populations de pays pauvres. Cette situation est aggravée par plusieurs décennies de dettes extérieures des pays pauvres qui détournent les ressources nécessaires aux programmes sociaux. Entre 1970 et 2002, par exemple, l’Afrique a reçu 540 milliards $ en prêts, a versé 550 milliards $ en capital et intérêts et doit toujours rembourser près de 300 milliards $.

Outre les problèmes de dettes, la situation est très grave. En 2005, suite à l’Initiative multilatérale de Gleneagles pour l’allègement de la dette, la Zambie a annoncé qu’elle allouerait 30 % de son budget annuel aux dépenses relatives aux programmes sociaux en abolissant les frais reliés aux soins médicaux et en recrutant 4 000 enseignants et 800 personnes dans le secteur de la santé. Soixante et onze pour cent du budget national est maintenant financé intérieurement. Cela étant, une récente étude du programme des Nations Unies pour le développement démontre que les conditions du FMI liées à l’allégement de la dette mettent toujours un frein aux dépenses visant la réduction de la pauvreté, et que « ...le gain financier net découlant de l’allègement de la dette est négligeable à cause des conditionnalités de politique extérieure associées à l’allègement. »

Quand la Banque et le FMI vont-ils enfin comprendre?
Même si la Banque mondiale et le FMI se sont tous deux éloignés des conditions de privatisation et de libéralisation du commerce, une étude indépendante commandée par le gouvernement norvégien a démontré une hausse de leurs conditions de gouvernance. La clé de l’amélioration du développement économique et social des pays est une gouvernance améliorée, enracinée dans la participation citoyenne démocratique. Par contre, la gouvernance ne peut pas être imposée de l’extérieur par l’intermédiaire de conditions. Étrangement, l’accent est mis sur la gouvernance alors que les parlements nationaux, essentiels à la gouvernance, demeurent largement exclus de la plupart des négociations de politiques avec les donateurs. Pendant ce temps, les pays donateurs, la Banque mondiale et le FMI imposent de nouvelles conditions tout en soulignant l’importance de la prise en charge locale par les pays (country ownership).

Les donateurs comme le Canada soulignent l’importance d’une élaboration de politiques factuelle. Cela étant, une vérification interne menée en 2006 par 25 chercheurs indépendants a évalué les recherches de la Banque de 1998 à 2005. La vérification a démontré que, malgré que la banque ait réalisé un « travail exceptionnel », près du deux cinquième de ces recherches ne servent qu’à faire du prosélytisme en faveur des politiques de la Banque. De plus, « les recherches internes favorables aux positions de la Banque obtenaient une grande attention, alors que les recherches défavorables étaient ignorées. »

La Banque mondiale, le FMI et le gouvernement du Canada
La Banque mondiale et le FMI sont des institutions de premier ordre. Le Canada compte un membre au Conseil d’administration dans chacune des deux institutions, chaque conseil étant constitué de 25 membres. Le Canada joue un rôle de premier plan au sein de ces deux institutions. Malgré cela, la légitimité et la pertinence de ces institutions sont remises en question, autant par des organisations de la société civile que par les États membres eux-mêmes. Les parlementaires doivent comprendre que ces institutions sont en crise et ils doivent également déterminer comment le gouvernement peut intervenir dans le cadre de questions aussi complexes et urgentes.

Malheureusement, le rapport annuel ne dévoile que très peu de renseignements sur ces questions. Il n’existe aucun mécanisme pour mêler les membres du gouvernement aux questions reliées à la Banque et au FMI. Aucun membre des Conseils d’administration ne s’est présenté devant un Comité de la Chambre des communes depuis la dernière audience en 1995. Le ministre des Finances n’a même jamais breffé les comités visés sur la position du gouvernement relativement aux questions qui concernent la Banque et le FMI.

Mesure recommandée
Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international devrait entreprendre un examen systématique des politiques du Canada vis-à-vis de la Banque mondiale et du FMI. Il s’agit d’une occasion d’augmenter la responsabilité devant le Parlement et la transparence des actions du gouvernement au sein de ces deux institutions.