Participez à l'Appel pour l'annulation des dettes MAINTENANT!

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Avril 2005

Participez à l’Appel pour l’annulation des dettes MAINTENANT!

Il y a cinq ans, dans le cadre de la campagne du Jubilé sur la dette, les Églises canadiennes recueillaient plus de 640 000 signatures au bas d’une pétition demandant d’annuler les dettes extérieures des pays à faible revenu.

Nous pressions le gouvernement de modifier sa position sur la question des dettes et des conditions imposées par les institutions multilatérales tels le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) lorsqu’elles consentent un allègement de dette par le biais de l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE).

Aujourd’hui la campagne mondiale Abolissons la pauvreté! réclame l’annulation sans conditions de 100 % des dettes des pays les plus pauvres de même qu’une aide internationale accrue et améliorée, l’équité dans le commerce et l’élimination de la pauvreté des enfants au Canada.

Au cours des cinq dernières années, certaines dettes bilatérales ont été annulées et un moratoire a été déclaré sur le remboursement de certaines dettes des pays touchés par le tsunami survenu en Asie en 2004. Mais seulement un tiers de l’allègement des dettes promis au G-8 de Cologne en 1999 s’est concrétisé. Pendant ce temps, les dettes multilatérales, en particulier les dettes envers le FMI et la BM, ont augmenté. Pour tout dollar d’allègement de la dette consenti par le Canada, les pays de l’Afrique sub-saharienne doivent 94 $ aux institutions financières multilatérales.

Alors que les dirigeants des nations les plus riches du monde se préparent à leur sommet annuel du G-8 en juillet prochain en Écosse, leurs ministres des Finances continuent de se disputer sur des propositions concurrentes d’allègement de la dette dont ne bénéficieraient que quelques pays consentant aux conditions imposées par le FMI et la BM.

Le temps est venu pour nous, les 640 000 Canadiennes et Canadiens et les 24 millions de personnes dans le monde qui avons adhéré à la campagne du Jubilé, de dire au G-8 que ce qui est requis, c’est l’annulation de la dette dès maintenant pour tous les pays appauvris.

Voici l’occasion idéale pour vous d’y participer!

Lecture… Écoutez un récit de la Zambie qui révélera le coût réel de tergiverser avec les dettes.

Agir… Copiez la lettre de la page 4 et diffusez-la largement. Postez sans frais les exemplaires signés au premier ministre Paul Martin et au ministre des Finances Ralph Goodale.



De l’allègement à l’annulation des dettes

Le ministre canadien des Finances Ralph Goodale a reconnu l’échec de l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en soulignant que six des onze pays africains ayant complété cette démarche ont encore aujourd’hui une dette insoutenable. Il a aussi déclaré que « les remboursements de la dette (surtout aux institutions financières internationales) sont trop élevés en regard de la capacité [des pays] et des besoins sociaux ». Il a aussi souligné la nécessité de traiter tous les pays pauvres avec équité et a admis que le FMI et la BM « doivent se montrer plus sensibles aux conditions spécifiques de chaque pays, en particulier en ce qui concerne la condition relative aux réformes structurelles ».

Il est temps que notre gouvernement dépasse la simple remise en question et les tergiversations. Il est grand temps d’abandonner le modèle actuel du FMI et de la BM; ce modèle a entraîné un degré désappointant de croissance économique, d’efficacité et de compétitivité, la destruction de la capacité nationale de production, des dommages profonds à l’environnement, et l’augmentation de la pauvreté et des inégalités. De plus, nos partenaires africains font remarquer que de nombreuses dettes ont été contractées par des régimes répressifs et despotiques et ont servi à des objectifs contraires aux intérêts de la population. Ces dettes « odieuses » n’ont nullement à être payées. Il est d’ailleurs impossible de les payer sans causer de grands torts aux personnes et aux communautés, car on les prive d’une alimentation essentielle, d’eau potable, de soins de santé et d’éducation. Notre gouvernement doit évoluer de son offre de seulement « alléger la dette » de 19 pays à l’annulation totale des dettes multilatérales de tous les pays appauvris.

Les propositions actuelles du Canada et du Royaume Uni consistent à rembourser eux-mêmes certaines dettes multilatérales à la place de pays pauvres jusqu'en 2015 seulement. On annulerait ainsi uniquement un tiers environ des dettes. Le remboursement des deux tiers restants devrait reprendre après 2015. Une proposition des États-Unis annulerait certaines dettes, mais en réduisant l'éligibilité des pays à obtenir de nouveaux prêts pour le développement (un dollar de moins en prêt pour chaque dollar effacé). On annulerait ainsi uniquement un tiers environ des dettes. Le remboursement des deux tiers restants devrait reprendre après 2015. Une proposition des États-Unis annulerait certaines dettes, mais en réduisant l’éligibilité des pays à obtenir de nouveaux prêts pour le développement (un dollar de moins en prêt pour chaque dollar effacé).

Nous demandons au gouvernement canadien de reconnaître que nous vivons un moment de kairos et de se faire le champion de l’annulation inconditionnelle de 100 % des dettes multilatérales des pays appauvris. Nous demandons aussi d’augmenter suffisamment l’aide publique au développement (APD) de façon à réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Les institutions financières internationales (IFI) peuvent et doivent assumer leur part des coûts de l’annulation des dettes. Elles peuvent absorber ces coûts par diverses mesures, en ayant recours par exemple aux réserves en or du FMI de même qu’aux provisions de la Banque mondiale pour pertes sur prêts et à ses bénéfices non répartis.


« Il est si facile de mourir en Zambie… »

Emily Sikazwe

J’ai récemment passé beaucoup de temps à l’Hôpital universitaire de la Zambie. C’est à cet hôpital, le plus important du gouvernement, que vont nos citoyennes et citoyens dans les cas de complication grave que ne peuvent traiter les cliniques et hôpitaux régionaux. Mon ami et camarade de lutte pour la justice sociale n’est pas bien. En pareille situation, nous les militantes et militants pouvons compter les uns sur les autres. Un petit groupe d’entre nous se relaie pour veiller sur lui. Il fut un temps où cet hôpital faisait l’orgueil de la nation. Nous l’appelons maintenant la « salle des départs » - l’endroit où les Zambiens passent les derniers moments de leur vie.

Je vais à l’hôpital pour une heure deux ou trois fois chaque jour. Au moment de garer ma voiture, j’aperçois un visage familier. Alors que je m’avance vers elle, elle éclate en sanglots. Nul besoin de demander pourquoi. Je devine qu’un de ses proches vient de mourir. J’essaie de la consoler. Je constate qu’on entre à l’hôpital des personnes déjà mortes. Les corps viennent de maisons où on n’avait pas les moyens de payer l’hôpital. Ces personnes meurent à cause des frais élevés d’hospitalisation que le FMI et la BM forcent nos gouvernements à exiger de tels montants d’argent.

Notre hôpital prestigieux manque de médicaments de base, y compris de simples antibiotiques, de compresses stérilisées ou même de désinfectants. Chaque fois que je vais voir mon ami, on me remet une ordonnance de médicaments à acheter. Je me demande : « Qu’en est-il des pauvres qui ne peuvent se les payer? Que leur advient-il? » Il est si facile de mourir en Zambie. La vie n’y a pas une grande valeur. Je me souviens avoir demandé à une infirmière combien de personnes meurent ici chaque jour? « Entre 70 et 100 », me répondit-elle. – « Combien de personnes arrivent-elles de chez elles déjà mortes? » – « Environ 30 chaque jour. » – « Et combien meurent aux soins intensifs? » – « Là aussi, le taux de mortalité est très élevé. »

Plusieurs patients sont victimes de la pandémie du VIH/SIDA. Celle-ci entraîne une surcharge du système de santé au-delà du point de rupture. Le VIH/SIDA a en Afrique des effets dévastateurs sur l’économie et le paysage social. Les budgets nationaux sont surexploités. Le groupe des 25-55 ans, le plus productif, se voit dévaster. Le VIH/SIDA ne fait pas que tuer, il est le fléau le plus déshumanisant et le plus hideux à avoir frappé l’humanité.

À l’hôpital universitaire, les infirmières doivent se porter volontaires et faire des quarts de travail additionnels pour parvenir à joindre les deux bouts. On ne peut augmenter leur salaire parce que le FMI a imposé un gel des salaires. Notre gouvernement affirme devoir se plier aux conditions de la BM et du FMI pour pouvoir bénéficier d’un allégement de la dette. En désespoir de cause, les infirmières et les médecins s’épuisent. Quel genre d’êtres humains pourraient accomplir toutes ces tâches et demeurer capables de performer au niveau de leurs pleines capacités? Le gel des salaires et les pauvres conditions de travail imposés par le bailleur de fonds représentent un risque réel pour la santé, pour la sécurité et pour l’économie alors que meurent la grande majorité des professionnels de la santé formés à grands frais.

Si mon ami était un citoyen ordinaire, il serait déjà mort. Mais étant une personnalité politique, l’hôpital déplace des montagnes pour lui sauver la vie. Sa famille n’est pas pauvre. Elle a pu acheter tous les médicaments additionnels requis. Mais les Zambiennes et les Zambiens « ordinaires » ne survivent pas. Ils continuent de mourir comme des mouches parce qu’ils sont pauvres. Je me demande si nos vies ont une moindre valeur? Quelle différence de valeur économique existe-t-il entre la vie d’un Européen, d’un Américain et d’un Africain? N’importe quel économiste de la BM ou du FMI peut-il me dire quelle est la valeur économique de ces différentes vies?

J’en suis venue à comprendre le problème de la dette beaucoup plus clairement que jamais. Nous sommes pressés comme des citrons par la BM et le FMI parce qu’autrefois, notre pays a emprunté de l’argent. Maintenant, nous le payons, et continuerons de le payer, littéralement au prix du sang du peuple zambien, qui meurt à la maison ou entre les mains d’un système de santé qui s’est effondré.

Les chefs d’État du G-8 se réuniront en juillet en Écosse. Ils ont placé l’Afrique au sommet de leur ordre du jour. Si je pouvais leur parler directement, je leur dirais ceci : « Un monde meilleur est possible pour l’Afrique et pour ses enfants. Annulez dès maintenant nos dettes, en totalité et sans condition! Laissez-nous rebâtir notre vie dans la dignité et le respect! »

Emily Sikazwe est directrice générale de Femmes pour le changement, une ONG zambienne qui vise à l’autonomisation des collectivités rurales éloignées en vue de l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes.


M. Paul Martin, premier ministre
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6

Cher Monsieur Martin,

Plus de 130 000 Africaines et Africains meurent chaque jour de maladies qu’on pourrait prévenir, tels le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose, ou de maladies causées par une eau contaminée. Et pourtant les pays de l’Afrique sub-saharienne continuent de devoir rembourser environ 12 milliards de dollars US par année pour des dettes qui sont illégitimes parce qu’on a un urgent besoin de cet argent pour les soins de santé, l’approvisionnement en eau potable et les services sanitaires.

Face à cette tragédie humaine, comment les créanciers peuvent-ils accepter de percevoir ne serait-ce qu’un dollar de remboursement de la dette de ces pays appauvris?

Lorsque vous vous réunirez avec les autres chefs d’État du G-8 en Écosse en juillet prochain lors de votre sommet annuel, le Canada doit prendre le leadership d’un mouvement pour aller au-delà de la simple suspension jusqu’en 2015 des remboursements, et plutôt annuler ces dettes illégitimes.

Nous demandons au gouvernement du Canada de se faire le leader d’un mouvement visant à :

  • OBTENIR l’annulation immédiate et inconditionnelle de 100 % des dettes qu’ont à l’endroit des institutions financières multilatérales les pays appauvris qui ont besoin de ces ressources pour atteindre les Objectifs de Millénaire pour le développement;
  • FAIRE EN SORTE, en mettant fin aux programmes d’ajustements structurels imposés par la Banque mondial et le Fonds monétaire international, QUE les pays aient la liberté de mettre en oeuvre leurs propres stratégies nationales de développement;
  • ASSURER aux pays appauvris un soutien financier adéquat, y compris en consacrant 0,7 % du produit national brut à l’aide publique au développement.

Vôtre,

(signature)

c.c. M. Ralph Goodale, ministre des Finances, Chambre des communes, Ottawa (Ontario) K1A 0A6.