Le FMI et la crise financiere asiatique

fiche d’informationLE FMI ET LACRISE FINANCIÈRE ASIATIQUE

CRISE FINANCIÈRE ASIATIQUE

La façon désastreuse dont le Fonds monétaire international (FMI) a géré la crise financière de l’Asie du Sud-Est a soulevé la colère d’économistes par ailleurs modérés, de fonctionnaires et de simples citoyens. Car, tout au long de la crise, ce prétendu « docteur de l’économie mondiale » a ignoré les symptômes avant-coureurs, posé un diagnostic erroné, prescrit le mauvais remède et failli tuer le patient.Or, en dépit des appels à la réforme ou à l’arrêt des opérations du FMI, l’impénitente institution va de l’avant, et son inébranlable croyance au dogme de la libéralisation financière et à la sagesse intrinsèque des marchés pave la voie à de nouvelles crises. Il faut agir.QUEL A ÉTÉ LE RÔLE DU FMI DANS CETTE CRISE ?Le FMI a contribué à engendrer la crise, puis à l’aggraver. En effet, la cause première de la crise a été l’utilisation d’un modèle économique trop axé sur le capital étranger et trop peu sur l’épargne intérieure. En encourageant l’ouverture des marchés financiers dans ces pays, le FMI, la Banque mondiale et d’autres acteurs ont ouvert la voie à un afflux considérable de « capitaux fébriles » investis dans des secteurs spéculatifs de l’économie. Plutôecteurs spéculatifs de l’économie. Plutôt que de soutenir la production et l’emploi, ces capitaux étaient affectés à la spéculation immobilière ou à des marchés boursiers où le prix des actions dépassait largement la valeur des actifs sous-jacents.Quand la bulle de l’immobilier a éclaté, les investisseurs affolés ont retiré très vite leurs capitaux, provoquant une débâcle monétaire et une panique financière qui ont précipité toute la région dans une spirale infernale. Une fois la panique installée, les gouvernements n’avaient plus aucune moyen d’y mettre fin, ayant déjà renoncé aux mesures réglementaires de contrôle des capitaux. En 1996, l’afflux de capitaux dans la région atteignait 96 milliards $ et, en 1997, les sorties de capitaux se chiffraient à 12 milliards $.Quand la crise a éclaté, le FMI est intervenu en injectant d’énormes capitaux de « renflouement ». À la fin de 1997 et au début de 1998, le FMI a prêté 120 milliards $ aux gouvernements de la Thaïlande, de l’Indonésie et de la Corée du Sud. Ces gouvernements ont alors remboursé les dettes en souffrance du secteur privé local envers des banques commerciales et des investisseurs privés internationaux. En contrepartie de ces prêts, le FMI a exigé que les pays débiteurs adoptent des mesures d’austérité destinées à rests mesures d’austérité destinées à restaurer la confiance des investisseurs, à stabiliser la monnaie, à renverser le mouvement de fuite des capitaux et à endiguer la crise.Les conditions du FMI ont eu l’effet contraire, rendant les marchés extrêmement nerveux et acculant les pays en cause à la récession. Les mesures imposées par le FMI ont transformé la crise du secteur financier en une crise de l’économie réelle, balayant du même coup 30 années de réduction de la pauvreté et de croissance économique dans cette région. Prescrits par le FMI, les taux d’intérêt élevés et l’accès réduit au crédit ont provoqué la faillite d’entreprises tout à coup incapables de rembourser leurs dettes. Le chômage est monté en flèche, éliminant une bonne partie de la classe moyenne asiatique et réduisant plus de 30 millions de personnes à la pauvreté. Réclamée par le FMI, l’élimination des subventions d’État au carburant, au transport, à l’électricité et au riz a entraîné des hausses de prix et des émeutes. Le FMI a également exigé une « réforme du marché du travail », permettant aux entreprises de licencier des travailleurs titulaires d’emplois sûrs. Les taux d’intérêt élevés et l’effondrement de la valeur des monnaies ont fait grimper les prix, diminuant d’autant les salaires réels. La réduction des programmes gouvernementaux dans les domaines de l’éducationntaux dans les domaines de l’éducation, de la santé et du transport en commun a frappé plus durement les pauvres. Un climat d’agitation sociale et politique s’en est suivi.

La crise a frappé le CanadaLe Canada n’a pas été épargné. La moitié du secteur privé canadien étant tributaire des marchés étrangers, l’effondrement des marchés et des prix en Asie a frappé durement le secteur canadien des ressources naturelles. Les exportations canadiennes vers cette région ont chuté de 5,7 milliards $ au cours des neuf premiers mois de 1998 comparativement à la même période de l’année précédente. L’économie de la Colombie-Britannique a été la plus touchée, le tiers de ses exportations s’effectuant vers les marchés asiatiques. En 1998, l’économie de la C.-B. a enregistré la plus faible croissance de toutes les provinces du Canada, évitant la récession de justesse.

La crise de l’Asie du Sud-Est a révélé des failles profondes dans l’analyse économique et la surveillance exercées par le FMI, des preuves inquiétantes de son contrôle quasi hégémonique sur des pays vulnérables et des signes évidents que cette instituables et des signes évidents que cette institution a violé son mandat au nom de membres puissants et d’intérêts privés. Voici une analyse plus détaillée de ce qu’a fait le FMI :LE FMI A FAILLI À SA TÂCHE DE CHIEN DE GARDE DE L’ÉCONOMIE MONDIALEUn de rôles du FMI est d’examiner et d’évaluer la performance économique de ses membres et d’en rendre compte. L’encre du rapport annuel du FMI pour 1997, qui ventait les « tigres » asiatiques et leur solide performance, était à peine sèche que la crise a éclaté. L’hypothèse du FMI selon laquelle tout investissement étranger est bon l’a empêché de se rendre compte des inquiétudes naissantes quant à la nature et à la qualité de ces investissements. Devant la preuve de plus en plus évidente que le « miracle économique » était un château de cartes érigé sur du crédit à risque et des marchés boursiers et obligataires surévalués, le FMI a fermé les yeux. Cette incapacité de voir venir la crise est proprement stupéfiante de la part du FMI.L’incapacité de surveiller correctement l’économie de ses membres et d’en prévoir les difficultés entache sérieusement la crédibilité du FMI même dans les cercles les plus conservateurs. Cettens les cercles les plus conservateurs. Cette incapacité remet en question le cadre d’analyse utilisé par le FMI, de même que le paradigme économique selon lequel les marchés libres fonctionnent efficacement et dans l’intérêt de tous. Maintenant que la crise est passée, plusieurs pays, dont le Canada, demandent une surveillance accrue des pays et une meilleure transmission de données au FMI afin de mieux prévoir les crises à l’avenir. Or, tout cela ne voudra rien dire si le « fondamentalisme économique » pratiqué par le FMI n’est pas renversé.LE FMI A RENFLOUÉ LES GRANDES BANQUES - IL A SOCIALISÉ LES DETTES PRIVÉES ET CRÉÉ UN « RISQUE MORAL »Les prêts consentis à la Thaïlande, à l’Indonésie et à la Corée du Sud par le FMI étaient assortis d’une condition obligeant ces pays à rembourser les prêts étrangers à leur secteur privé, même si ces prêts avaient été consentis par les banques internationales à des entreprises et à des institutions privées. Cette façon de convertir des dettes privées en responsabilité publique lorsque la capacité de rembourser du débiteur est sur le point de devenir problématique relève de l’injustice flagrante. Pendant des décennies, les 280 millions de citoyens thaïlandais, indonésiens lions de citoyens thaïlandais, indonésiens et sud-coréens vont payer des milliards de dollars aux plus grandes banques d’affaires du monde. Or ces citoyens ne sont absolument pas responsables de ces dettes.En « socialisant » la dette privée, le FMI a créé et accentué le problème de risque moral. Quand les investisseurs croient qu’ils n’auront pas à payer pour leurs erreurs, la probabilité qu’ils répètent ces erreurs augmente.LE FMI A LAISSÉ LES PETITES BANQUES FAIRE FAILLITE - IL A APPLIQUÉ DEUX POIDS DEUX MESURESEn vertu des prêts du FMI aux pays de l’Asie du Sud-Est, les banques locales ont été acculées à la faillite alors que le secteur privé international se tirait d’affaire. Selon ce principe pernicieux de deux poids deux mesures, les risques du marché libre sont encourus par le secteur privé local mais non par les banques d’affaires. Pourtant, ce sont les grandes banques internationales qui ont prêté au départ à des entreprises asiatiques à haut risque. Ce sont les grandes banques internationales qui ont précipité la crise en refusant de renouveler leurs propres prêts. Ce sont également les grandes banques internationales qui ont fait chuter le cours des monnaies en se retirait chuter le cours des monnaies en se retirant massivement du marché pour ensuite réaliser des profits en spéculant ou en « misant » sur l’importance de la chute des cours. Or ni les grandes banques ni les grandes sociétés de placement n’ont eu à subir les conséquences du rôle qu’elles ont joué avant et pendant la crise financière.Depuis l’automne 1997, toutefois, les secteurs financiers nationaux thaïlandais, indonésien et sud-coréen se sont, à peu de choses près, effondrés. Le FMI aurait pu obliger les banques internationales à renégocier leurs prêts aux entreprises et aux banques asiatiques, mais il a refusé de le faire. La soumission du FMI aux puissants intérêts financiers internationaux est apparue de façon plus évidente encore dans les conditions de ses programmes de prêts. Plutôt que d’intervenir à l’intérieur de ces pays pour sauvegarder les banques locales, le FMI a insisté pour laisser aller celles-ci aux mains d’intérêts étrangers en contrepartie de droits de propriété accrus. Voir le no 5 ci-dessous pour de plus amples détails sur l’importance de cette braderie.LE FMI A POSÉ UN DIAGNOSTIC ERRONÉ - IL A CRU À UNE FAILLITE DU SECTEUR PUBLICLes exigences fiscant Les exigences fiscales strictes du FMI étaient conçues pour limiter les dépenses gouvernementales face à une crise de l’endettement du secteur privé, non public. La crise de l’Asie du Sud-Est a été causée par les emprunts excessifs de capitaux à court terme contractés par les banques et les entreprises locales auprès des grandes banques internationales et non par une mauvaise gestion de l’économie de la part des gouvernements. En Thaïlande, par exemple, la dette du secteur privé représentait 80 % de la dette extérieure du pays en 1996. Le FMI a présumé que l’afflux massif de capitaux dans des secteurs à haut risque était une bonne chose, puisque le secteur privé en était responsable. Or, quand la crise a éclaté, on a blâmé les gouvernements et appliqué les mesures d’austérité du FMI. En faisant en sorte que les gouvernements réduisent la disponibilité du crédit interne, qu’ils réduisent leurs dépenses et leurs subventions, augmentent les taxes, abolissent des emplois dans le secteur public et haussent les taux d’intérêt, le FMI a intensifié la crise.LE FMI A OUVERT DES ÉCONOMIES AFFAIBLIES À LA PROPRIÉTÉ CORPORATIVE ÉTRANGÈREPendant que les institutions financières locales s’effondraient dans les financières locales s’effondraient dans les pays de l’Asie du Sud-Est, le FMI imposait la déréglementation du secteur bancaire ainsi que d’autres secteurs économiques, et ce pratiquement du jour au lendemain, ouvrant ainsi la porte aux rachats d’entreprises par des intérêts étrangers à des prix dérisoires. Alors que les États-Unis et le Japon n’avaient pas réussi, après des années de négociations commerciales bilatérales, à obtenir l’accès à une Corée du Sud dite « protectionniste », les tactiques musclées du FMI y sont parvenues. Les conditions reliées aux prêts du FMI ont forcé l’ouverture quasi complète du secteur financier, jusque-là fermé, à la propriété et à la présence étrangères. Même si nombre d’observateurs sont disposés à applaudir au démantèlement des monopoles locaux, la plupart d’entre eux déplorent la fin de la souveraineté économique de la Corée du Sud qui aura duré trente ans, ainsi que l’inquiétante expansion de l’influence américaine dans cette partie du monde. La conditionnalité reliée aux prêts du FMI a forcé des pays à céder leur souveraineté au capital international et au FMI.Le FMI a forcé la Thaïlande à ouvrir des institutions financières locales à la propriété étrangère à 100 % pendant une période pouvant atteindre dix ans et a ouvert la propriété foncière aux étrangers, un tabou chez les Thaïlandais. Les États-Unis cherchaient à consolider leur présence en Thaïlande depuis un certain temps – la complicité entre le FMI et les États-Unis saute aux yeux. Tous ces changements risquent de faire entrer de force l’économie des pays qui ont souffert de la crise dans une dépendance accrue envers le capital étranger, notamment envers les mouvements de capitaux à court terme. Ceci risque fort d’entraîner l’éclatement d’une nouvelle crise.Les conditions du FMI qui ouvrent des économies vulnérables aux investisseurs étrangers ne font pas partie du mandat de cette institution et représentent en fait un nouvel et inquiétant élargissement de son pouvoir. Le contrôle exercé sur le FMI par les États-Unis révèle des failles profondes dans sa structure de direction.

« [...] les brusques renversements survenus dans des économies jusque-là considérées comme prodigieuses ont ébranlé l’opinion stéréotypée selon laquelle la libre circulation du capital serait une bonne chose. Dans la plus grande partie de l’Asie du Sud-Est, l’opinion populaire rejette la responsabilité de la crise actuelle sur le retrait précipité et déstabilisant du capital étranger. On laisse entendre que le problème aurait peut-être été moins grave si, au départ, on avait laissé entrer moins de capital étranger. » The Economist, 24 janvier 1998

LE FMI A-T-IL PAYÉ LE PRIX DE SES ERREURS ?Personne au FMI n’a été tenu responsable de ses erreurs; en fait, l’institution a vite fait de nier celles-ci. Les fonctionnaires du FMI ont d’abord blâmé la corruption des États et des entreprises. Ils ont ensuite admis que le rythme de la libéralisation financière était trop rapide pour certains pays, ce qui ne les a pas empêchés de soutenir que la libéralisation du secteur financier à l’échelle mondiale reste le meilleur remède pour l’économie mondiale. En concentrant son analyse sur les fautes des pays en cause et en admettant des erreurs de degré mais non de fond, le FMI déplace le débat, se soustrait à toute vérification minutieuse, évite d’admettre ses torts et protège ses fondements idéologiques.Bien qu’aucun dirigeant ou fonctionnaire du FMI n’ait été limogé à la suite de la débâcle en Asie du Sud-Est, l’institution a consenti à créer un Bureau d’évaluation indépendant chargé d’examiner et d’améliorer son travail. Ce geste est généralement perçu comme une réaction complètement inadéquate.MAIS L’ASIE N’EST-ELLE PAS EN VOIE DE REDRESSEMENT ?Oui et non. Tous les pays touchés par la crise sont maintenant sortis de la récession et connaissent une croissance économique. Ce résultat est surtout dû à une remontée dans les revenus d’exportation résultant des dévaluations massives survenues pendant la crise. Tous ces pays enregistrent des excédents commerciaux découlant d’exportations à bon marché, mais aucune de leurs monnaies ne s’est rétablie au niveau précédant la crise. Sans compter que l’intervention considérable de l’État dans l’économie par suite d’importants déficits budgétaires a stimulé la croissance.Le niveau de vie des populations de l’Asie du Sud-Est n’est pas revenu à ce qu’il était. La crise a précipité 10 millions d’habitants dans la « pauvreté absolue » (moins de 1 $US par jour) et 23,8 millions d’autres dans la « pauvreté » (moins de 2 $US par jour). En Thaïlande, les niveaux de salaire réel dans la construction, le commerce, les services et l’agriculture (qui représentent ensemble 82 % de la main-d’œuvre) continuent de décliner. En Indonésie, les denrées sont encore 30 ou 40 % plus chères qu’avant la crise. En Corée du Sud, l’écart entre les riches et les pauvres est plus élevé qu’il ne l’était depuis plusieurs décennies. Sur le plan humain, la crise de l’Asie du Sud-Est est toujours en cours.CONCLUSION - QUELLE EST LA PROCHAINE ÉTAPE POUR LE FMI ?Depuis la crise, les pays membres du FMI, dont le Canada, ont consenti au total 90 milliards $US de nouveau financement à l’institution. Aucune évaluation sérieuse de l’efficacité ou du mérite du FMI ni aucun débat public n’ont précédé cette décision. En juin 1998, le Parlement du Canada a approuvé sans broncher un projet de loi par lequel il augmentait sa « quote-part » ou cotisation au FMI. Cette nouvelle injection massive de fonds représente une approbation tacite des réalisations, des politiques et de la direction de l’institution.Tandis que le FMI et les pays du G-20 défendent publiquement des mesures inaptes à prévenir de futures crises (voir notre fiche d’information intitulée « Que fait le G-20? »), ils continuent de promouvoir des mesures susceptibles d’accentuer la déréglementation des mouvements de capitaux à l’échelle mondiale. Connues sous l’expression de « libéralisation des comptes de capitaux », ces mesures feraient disparaître les restrictions et les réglementations sur les mouvements de capitaux entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci. Les populations locales et les étrangers pourront ainsi facilement et sur demande convertir leurs dépôts bancaires, leurs actions, leurs biens immobiliers et leurs autres actifs dans la devise de leur choix et les transférer ailleurs.La tentative du FMI pour libéraliser complètement le secteur financier de ses États membres est largement critiquée comme étant un mouvement exactement dans la mauvaise direction, qui pave la voie à de nouvelles crises financières. Comme le déclarait l’ex-économiste en chef de la Banque mondiale Joseph Stiglitz, « le dogme de la libéralisation est devenu une fin en soi et non plus un moyen d’améliorer le système financier ».Voir notre fiche d’information intitulée « le FMI » où nous vous suggérons des moyens concrets pour empêcher le FMI de contribuer à créer de nouvelles crises financières.