Lettre au Ministre des Affaires étrangères à l’examen du financement du développement - le 10 octobre, 2008

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L’Honorable David Emerson
Ministre des Affaires étrangères
Affaires étrangères et Commerce international Canada
125, Sussex Drive
Ottawa (Ontario)  K1A OG2

Le 10 octobre 2008

Objet : Priorités canadiennes relativement à l’examen du financement du développement qui se tiendra à Doha

Monsieur le Ministre,

En novembre prochain, des organisations de la société civile (OSC) et des chefs de gouvernement du monde entier se réuniront à Doha, au Qatar, pour examiner les progrès réalisés dans le processus de financement du développement établi à Monterrey en 2002 et pour tracer une ligne de conduite pour les prochaines années. À titre de représentants soussignés d’OSC canadiennes, nous vous écrivons pour exhorter le gouvernement canadien à défendre à Doha un document d’action final visant des changements précis et des résultats forts et mettant de l’avant un développement efficace, l’éradication de la pauvreté, les droits humains internationaux, l’égalité hommes-femmes, des emplois convenables et la durabilité écologique.

Le processus de Monterrey résultait des crises financières survenues en Asie et en Amérique latine en 1990. Mais il était aussi guidé par la perception d’une crise en développement, c’est-à-dire par le besoin d’examiner le déficit dans les ressources requises pour permettre aux États d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et de réduire le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême d’ici 2015, d’améliorer les conditions sociales, d’accroître le niveau de vie des populations et de protéger l’environnement.

Aujourd’hui, après les événements de la dernière année, le monde est en proie à l’urgence devant la triple crise pétrolière, alimentaire et financière qui menace non seulement l’atteinte des OMD, mais également la crédibilité et la durabilité des économies nationales du monde, y compris la nôtre. Pendant ce temps, les changements climatiques menacent la vie et les moyens d’existence de centaines de millions de personne, tant au Nord qu’au Sud. Les négociations commerciales ont atteint une impasse. Le chômage est en hausse. Les inégalités hommes-femmes demeurent largement répandues. Et la plupart des pays donateurs sont loin d’atteindre leurs engagements en matière d’aide. La gestion de ces crises nécessite des mesures décisives et du leadership de la part de la communauté mondiale, dont fait partie le Canada. Mais jusqu’à maintenant, ce leadership a fait cruellement défaut. Nous demandons avec insistance au gouvernement canadien de remédier à cette situation.

Sachant que vous préparez actuellement votre participation à la conférence de suivi de Doha, nous demandons au gouvernement de retenir les importants enjeux politiques suivants et de s’assurer que le document final faisant état des résultats de la conférence :

  • Appuiera les efforts des pays en développement pour s’assurer une réelle prise en charge démocratique de leur espace politique – sans interférence de la part des donateurs ni des institutions de Bretton Woods – permettant ainsi la création de politiques fiscales, commerciales et d’investissement propres à maximiser la mobilisation des ressources intérieures potentielles et d’améliorer l’utilisation des ressources disponibles;
  • Appuiera l’établissement d’un Comité intergouvernemental complet d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies, et intégrera les recommandations à venir du Groupe spécial international sur les flux financiers illicites et la fuite de capitaux;
  • Appuiera l’élaboration de politiques nationales et de systèmes judiciaires contraignants reposant sur des normes juridiques internationales susceptibles d’assurer la reddition de comptes;
  • Réaffirmera les engagements mondiaux à atteindre l’objectif d’aide de 0,7 pour cent du produit national brut, que toute contribution future des pays donateurs à des mesures d’allégement de dette et à des fonds d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation de ces changements devrait s’ajouter à l’aide publique au développement (APD), et que ces fonds devront être versés sous forme d’octrois et non de prêts. Le Canada devrait affirmer indépendamment son engagement à atteindre l’objectif du 0,7 pour cent dans un délai de dix ans en commençant avec le budget fédéral 2009/2010;
  • Appuiera la mise en œuvre de mesures propres à générer des retombées de fonds significatives en faveur de projets liés à l’environnement et au développement, y compris la poursuite des travaux sur des initiatives fiscales internationales. Afin de démontrer son appui, le Canada devrait adhérer au Groupe pilote sur les contributions de solidarité en faveur du développement;
  • Comprendra des objectifs fermes, à échéances bien déterminées, permettant l’utilisation maximale et souple des systèmes internes des pays en développement, ainsi que des engagements monétaires progressifs sur plusieurs années, augmentant ainsi la prévisibilité de l’aide pour les pays bénéficiaires;
  • Appuiera l’appel à un débat international portant sur l’extension des mesures d’annulation de dette à des pays endettés actuellement exclus de l’Initiative d’aide aux pays pauvres très endettés (PPTE), sur la mise en place d’un mécanisme permanent de médiation ou d’arbitrage en matière de dette, qui soit équitable, transparent et indépendant, ainsi que sur la poursuite des discussions en vue d’aborder les enjeux liés aux dettes odieuses et illégitimes;
  • Appuiera l’appel à la tenue d’une grande conférence internationale visant à examiner l’architecture financière et monétaire internationale actuelle et les structures de gouvernance économique mondiales, qui se tiendrait sous l’égide des Nations Unies et comprendrait la pleine et entière participation de la société civile;
  • Appuiera la mise en place d’un mécanisme de suivi régulier des résultats de la rencontre de Doha, ainsi que d’une unité intégrée au système des Nations Unies et suffisamment dotée en personnel et en ressources financières pour être en mesure de soutenir ce processus.

Pour de plus amples commentaires concernant la version préliminaire actuelle du document final, nous vous invitons à consulter l’annexe ci-jointe ainsi que le document intitulé « Civil Society Benchmarks and Key Recommendations for Doha Draft Outcome Document », déposé dans le cadre du processus officiel de financement du développement.

Nous attendons avec impatience de rencontrer les représentants du ministère des Affaires étrangères afin de discuter plus en détail de ces questions. Entre-temps, nous espérons que vous retiendrez ces recommandations lors de vos discussions sur d’autres documents préliminaires et finaux à venir.

Veuillez accepter, monsieur le Ministre, nos sincères salutations.
                                                    

Gerry Barr, Président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale
Catherine Coumans, Présidente, Coalition de l'Initiative d’Halifax
Roy Culpeper, Président, L’Institut Nord-Sud

c.c. :
- Hon. Beverley J. Oda, ministre de la Coopération international
- Hon. James Michael Flaherty, ministre des Finances
 
- S.E. l’ambassadeur John McNee, représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies
- S.E. Manuel Descoto, président de l’assemblée générale
- S.E. l’ambassadeur Johan Løvald, représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies, coprésident du Processus de financement du développement

- S.E. l’ambassadeur Maged Abdelaziz, représentant permanent de l’Égypte auprès des Nations Unies, coprésident du Processus de financement du développement

- Trevor Manuel, ministre des Finances, Afrique du Sud, et émissaire spécial du Secrétaire général
- Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre fédérale de la Coopération économique et du Développement, Allemagne

- Oscar de Rojas, Financement du développement, directeur, département des Affaires économiques et sociales, Nations Unies
- Daniel Platz, agent de liaison auprès de la société civile, département des Affaires économiques et sociales, Nations Unies

Signataires :
- Caroline Boudreau, Chair, Africa Canada Forum
- Maria-Luisa Monreal, Directrice générale, L'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
- Michael Casey, Executive Director, Canadian Catholic Organization for Development and Peace
- Bonnie Diamond, Co-Chair, Canadian Feminist Alliance for International Action
- Richard Elliott, Executive Director, Canadian HIV/AIDS Legal Network
- Kenneth V. Georgetti, President, Canadian Labour Congress
- Tony Breuer, Executive Director, CHF-Partners in Rural Development
- Mirabelle Rodrigues, Executive Director, Foundation of International Training
- Molly Kane, Executive Director, Inter Pares
- Dennis Howlett, Coordinator, Make Poverty History
- Jamie Kneen, Communications and Outreach Coordinator, MiningWatch Canada
- Robert Fox, Executive Director, Oxfam Canada
- Bernard Taylor, Executive Director, Partnership Africa Canada
- Chris Dendys, Executive Director, Results Canada
- Derek MacCuish, Coordinator, Social Justice Committee
- Omega Bula, Executive Minister, Justice, Global and Ecumenical Relations Unit, The United Church of Canada
- Hon. Warren Allmand, P.C., O.C.. Q.C., National President, World Federalist Movement Canada


ANNEXE : Enjeux politiques clés pour le projet de document final (PDF) sur Doha

Mobilisation des ressources nationales – Créer un espace politique. La mobilisation efficace et efficiente des ressources nationales (MRN) est au cœur même du développement, ce qui nécessite un processus cohérent, dynamique et national d’accumulation de capital, d’intermédiation et de mobilisation dans les pays les plus pauvres. Les donateurs comme les agences d’aide ont un rôle fondamental à jouer pour s’assurer que les efforts qu’ils déploient en matière d’aide appuient la MRN et améliorent l’utilisation des ressources dans les pays pauvres. Les donateurs devraient prendre en compte les efforts entrepris par divers pays tels que l’Éthiopie, le Ghana, le Mali, le Rwanda, la Zambie, le Botswana, le Vietnam, la Bolivie et la Tanzanie, pour améliorer leurs revenus nationaux et réduire ou bien limiter leur exposition à l’APD. Il est aussi fondamental de renforcer la MRN pour réduire la dépendance à l’égard de l’aide, ou y mettre fin -- le Canada devrait apporter son appui à diverses mesures dans le document final et aussi dans la pratique, pour : 1) reconnaître la MRN comme un objectif en soi, 2) assurer une approche davantage exhaustive et cohérente à l’aide qui tient compte de l’importance de la MRN, 3) garantir que les politiques en matière de commerce et d’investissement aux niveaux multilatéral et bilatéral ne sapent pas les efforts en vue de la MRN, 4) soutenir les efforts entrepris par les pays en développement pour conserver la prise en charge démocratique de leur espace politique intérieur et promouvoir des solutions de rechange à la politique macroéconomique qui sont favorables aux pauvres, à la croissance et à l’emploi, 5) promouvoir une budgétisation axée sur la participation et pertinente au regard de l’égalité entre les sexes pour y inclure les voix des femmes dans l’élaboration de la politique budgétaire, 6) renforcer la capacité administrative et la politique fiscale pour améliorer la mobilisation de l’épargne et l’investissement dans une infrastructure sociale, économique et matérielle productive, 7) faciliter la détection de la fuite illicite des capitaux et leur rapatriement, et 8) encourager et faciliter le transfert des envois de sommes d’argent par des méthodes structurées.

Réduire l’évasion fiscale et la fuite des capitaux. Le PDF précise, comme il se doit, que « la fuite des capitaux est un obstacle majeur à la mobilisation des ressources nationales nécessaires au développement. » En effet, chaque année l’évasion fiscale « pompe » de façon illicite entre 350 et 500 milliards de dollars dans les caisses des pays en développement, soit plus de trois fois les actuels niveaux de l’aide de l’OCDE. Ainsi, l’Afrique subsaharienne (ASS) est en fait un créditeur net envers le reste du monde puisque le montant accumulé de la fuite des capitaux de l’ASS entre 1970 et 2004 est plus de deux fois celui de la dette extérieure de la région. Cependant, au delà de reconnaître l’existence de ce problème, le PDF n’avance pas pour autant de solutions correspondantes, pourtant indispensables, pour s’attaquer au flux Sud Nord des ressources financières. L’évasion fiscale, par les exemptions ou stimulants, et les faibles pratiques en matière de divulgation ne permettent pas à la MRN d’atteindre son plein potentiel. Les efforts déployés pour s’attaquer à l’évasion fiscale et mettre en place des normes universelles dans les méthodes de rapport sur les taxes, profits, droits et autres flux financiers pour les entreprises installées dans des pays en développement, devraient être inclus dans le document final. À cet égard, nous appuyons la création d’un Comité plénier intergouvernemental des NU composé d’experts en coopération internationale sur les questions fiscales, mais nous invitons aussi expressément le gouvernement canadien à accepter les recommandations du Groupe de travail international sur les flux illicites de financement et la fuite des capitaux.

Protéger, respecter et remédier. Bien que l’investissement étranger direct et les flux de capitaux privés puissent avoir un rôle positif à jouer dans le développement, ces dernières années l’attention s’est de plus en plus portée sur les répercussions sur les droits de la personne des entreprises canadiennes outre mer. Pour aborder ces préoccupations, le PDF devrait promouvoir activement l’obligation des États de protéger les droits de la personne, la responsabilité des entreprises de respecter les droits humains, et la nécessité d’avoir accès à des remèdes efficaces pour les victimes, y compris par des moyens judiciaires, comme cela est précisé dans le rapport du représentant spécial du Secrétaire général sur les affaires et les droits humains. L’intégrité environnementale, le respect des droits humains collectifs et individuels, le travail décent et l’égalité entre les sexes sont autant d’éléments qui peuvent être respectés et protégés par une meilleure politique et aussi une législation renforcée. Plutôt que d’appuyer de faibles initiatives volontaires qui promeuvent la responsabilité sociale, comme le Pacte mondial, le projet de document final devrait se concentrer sur l’élaboration de politique par les pays et sur des systèmes judiciaires exécutoires ancrés dans des normes juridiques internationales garantissant la responsabilité des entreprises.

Une aide plus importante et meilleure. Malgré la demande faite à Monterrey pour que les donateurs consacrent 0,7 % de leur investissement national brut (INB) à l’aide publique au développement (APD), l’APD des pays membres de l’OCDE n’a augmenté que de 0,3 % en 2002 à 0,8 % en 2007. Quant à l’aide canadienne, elle est passée de 2,9 milliards de dollars en 2001 2002 à environ 4,6 milliards de dollars en 2008 2009, mais en pourcentage de l’investissement national brut l’aide canadienne a stagné à 0,30 %. Le Canada s’est engagé à doubler son aide entre 2001 2002 et 2010 2010 lors de la Conférence de Monterrey. Les projections actuelles du Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI) révèlent que l’aide canadienne d’ici à 2010 ne pourra atteindre que 5,2 milliards de dollars (en prenant uniquement les augmentations actuelles de 8 % à l’aide dans l’Enveloppe de l’aide internationale chaque année), soit 600 millions de dollars de moins que la cible prévue. À Doha, le Canada devrait confirmer son engagement envers un échéancier sur 10 ans pour atteindre l’objectif de 0,7 % des NU, à commencer par le budget fédéral de 2009 2010.

Le document final devrait aussi tenir compte du fait que même si les dépenses consacrées à l’allégement de la dette ont été prises en compte dans l’augmentation de l’APD ces récentes années, toutes les futures initiatives d’allégement de la dette devraient être complémentaires à ces objectifs de l’APD. Qui plus est, même si toutes les allocations pour l’APD devraient être faites de façon à promouvoir un développement durable, les contributions des donateurs à des fonds d’atténuation et d’adaptation spécifiques pour réagir aux répercussions du changement climatique, devraient venir s’ajouter à l’APD et prendre la forme de subventions et non de prêts.

APD Plus – Sources de financement novatrices. Doha offre aussi une incroyable opportunité d’appuyer et d’encourager des sources novatrices de financement du développement qui « devraient compléter et non remplacer l’aide publique au développement. » Nous nous réjouissons de lire que le PDF tient compte des efforts du Groupe de promotion des taxes de solidarité pour le développement, dans ce domaine. Toutefois, le document final devrait aussi appuyer la mise en œuvre de mesures promettant de générer des niveaux importants de financement pour des initiatives en environnement et développement. Nous encourageons par ailleurs fortement le gouvernement canadien à devenir membre de ce groupe de promotion.

Nous exhortons le gouvernement canadien à apporter son appui à d’autres travaux sur des initiatives internationales relatives à des taxes. Par exemple, des mécanismes tels que la taxe sur les transactions de devises (taxe sur les transactions de change ou TTC) contribueront grandement à des fonds pour le développement international tout en permettant d’atténuer l’impact de plus en plus grand des marchés financiers excessivement volatiles. L’Institut Nord Sud du Canada prévoit un montant de quelque 33,41 milliards de dollars par an à partir d’une contribution de l’ordre de 0,005 % sur toutes les transactions de change sur les marchés des courtiers, qui augmenterait au maximum l’écart par un point de base. Une augmentation permanente d’un point de base, à la suite de la mise en place d’une TTC, serait conforme aux fluctuations actuelles sur les principaux marchés des devises. Le document final devrait endosser de façon bien précise de telles initiatives.

L’aide n’est pas seulement une question de quantité mais aussi de qualité. Le Consensus de Monterrey, à l’instar de la Déclaration de Paris, souligne bien l’importance de rendre plus efficace l’aide par le biais des principes de la prise en charge nationale des plans de développement, d’une meilleure harmonisation entre les donateurs, et d’une aide non liée. Rendre l’aide plus efficace est un but important en soi, mais il masque l’objectif réel : rendre le développement plus efficace. À cet égard, l’efficacité de l’aide devrait être mesurée en fonction de normes internationales sur les droits humains, de l’égalité entre les sexes, d’un travail décent et du développement durable. La prise en charge ne devrait pas être uniquement la responsabilité des dirigeants gouvernementaux, mais elle devrait être plutôt démocratique et faire appel à une participation totale des citoyens et des parlements dans le débat et l’élaboration de priorités en matière de développement pour l’alignement de l’aide sur les priorités du pays. À ce sujet, tous les pays donateurs devraient revoir la pratique des conditionnalités et rechercher explicitement le point de vue des OSC en la matière, comme cela a été convenu dans le programme d’Accra. Il devrait y avoir des objectifs spécifiques accompagnés de délais précis pour l’utilisation maximale et souple des systèmes de pays en développement, accompagnés d’engagements consécutifs sur plusieurs années de ressources, et d’une augmentation du niveau de prévisibilité de l’aide. Nous appuyons la récente déclaration du Canada visant à délier pleinement l’intégralité de l’aide canadienne d’ici à 2012, et l’encourageons vivement à appuyer d’autres gouvernements à faire de même.

Élargir l’annulation de la dette extérieure – La situation concernant l’allégement et l’annulation de la dette depuis 2002 est encourageante. En effet, depuis 2002, le montant total de l’annulation de la dette par les pays de l’OCDE s’est élevé à tout juste un peu plus de 59 milliards de dollars US, dont 899 millions de dollars par le Canada au titre de l’allégement de la dette bilatérale. L’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM) de 2005 promettait également d’annuler un montant de 40 milliards de dollars US en dettes extérieures de 41 pays bénéficiant de l’initiative d’aide aux pays pauvres très endettés (PPTE). Toutefois, malgré cette initiative la dette des pays en développement s’élève aujourd’hui à 2,85 billions de dollars US, soit une hausse par rapport à 2,24 billions de dollars US en 2000 et à 1,33 billion de dollars US en 1990. C’est pourquoi nous encourageons le Canada à appuyer la demande de débat international sur l’élargissement de l’annulation de la dette à un certain nombre de pays endettés actuellement exclus de l’initiative PPTE, et la création d’un mécanisme permanent, juste, transparent et indépendant d’arbitrage de la dette.

« Il faut veiller à ce que le règlement de la dette incombe à la fois aux débiteurs et aux créanciers », peut on lire dans le projet de document final, ce qui constitue une admission importante de la nécessité de disposer d’un cadre juridique exécutoire pour guider les futurs prêts responsables, tels que la Charte d’Eurodad pour des prêts responsables. Dans le même ordre d’idées, la reconnaissance de la responsabilité partagée des dettes passées souligne le besoin de discussions complémentaires sur les dettes injustes et illégitimes, et l’appui aux pratiques des pays pour aborder ces dettes. Le débat sur les dettes injustes a par ailleurs été abordé plus avant dans des documents sur la question publiés par la CNUCED et la Banque mondiale. Alors que l’on se penche sur de nouveaux développements au niveau de la dette extérieure, la reconnaissance de la dette injuste et illégitime doit être prise en compte et affirmée à Doha, et le principe de leur annulation doit aussi être pris en considération.

Repenser les rôles des grands piliers de l’architecture financière internationale – L’écroulement récent des institutions financières un peu partout aux États-Unis et en Europe, l’énorme renflouement de 700 milliards de dollars accordé par le gouvernement des États Unis, et l’inévitable ralentissement économique à l’échelle internationale, constituent peut être le signal le plus clair de ces récentes décennies sur la nécessité de repenser l’actuelle architecture financière internationale. Bien que Doha offre une occasion unique de se pencher sur la crise immédiate au niveau le plus élevé, il nous faut aborder cette crise de façon plus approfondie et plus forte. Nous endossons par conséquent la demande de convocation « d’une grande conférence internationale qui examinerait l’architecture financière et monétaire internationale et les structures de gouvernance économique mondiale. » L’actuelle crise financière, la faible réaction des « grands piliers » que sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, la transformation du paysage du financement du développement à l’échelle mondiale et l’émergence croissante de remèdes régionaux à des crises mondiales, constituent un signal clair de la nécessité d’avoir des institutions plus efficaces pour aborder les problèmes communs de la planète. Toutefois, nous sommes convaincus qu’un tel événement doit être organisé par les Nations Unies et non pas par les Institutions de Bretton Woods elles mêmes. Cette conférence devrait être convoquée selon les mêmes principes inclusifs qui régissent le processus de financement du développement, et à l’instar du Forum de haut niveau d’Accra sur l’efficacité de l’aide, faire appel à la participation entière et active des organisations de la société civile.

Assurer le suivi constant du processus de FdD – Monterrey et Doha ne mèneront à rien à défaut d’avoir un mécanisme garantissant un suivi périodique des résultats des réunions et de créer une unité adéquatement dotée en ressources humaines et financières au sein même des Nations Unies, pouvant appuyer ce processus. Le document final devrait inclure une telle référence.