Le FMI aveuglé par le postulat de la déréglementation
Selon le Bureau indépendant d’évaluation du FMI (IEO), le FMI, l’organisme international chargé de la surveillance des finances mondiales, n’a pas été en mesure de donner « des avertissements clairs au sujet des risques et des vulnérabilités » avant que ne se manifeste « la pire crise financière et économique depuis les années 30. »
Le rapport conclue que « la capacité du FMI à cerner avec précision les risques émergents a été entravée par l’idée répandue, captive d’un même postulat intellectuel et d’un certain état d’esprit, qu’une crise majeure dans les grands pays industriels était peu probable, et par l’inadéquation des méthodes d’analyse ». Ce credo persistant était basé sur la conviction qu’une « discipline de marché et une auto-réglementation suffiraient à conjurer les graves problèmes des institutions financières. »
Durant la période précédant la crise, le FMI a entériné « les politiques modérées de réglementation et de surveillance » des États-Unis qui ont contribué à déclencher la crise. Le FMI a aggravé la crise en recommandant aux pays de déréglementer leurs marchés financiers selon le modèle de l’approche américaine. Rétrospectivement, le rapport indique que les pays comme l’Inde, l’Allemagne et le Canada ont été protégés de la crise financière parce qu’ils n’avaient pas accepté les recommandations du FMI.
Le rapport recommande une série de réformes mais il souligne la résistance du FMI à mettre en œuvre ces recommandations. Il est tout de même déconcertant de voir que le FMI, dont les recommandations d’une politique de déréglementation ont rendu l’économie mondiale plus vulnérable, se retrouve être maintenant l’institution vers laquelle le G20 se tourne pour chercher de nouvelles réglementations au système financier international. Pour plus d’information sur le rapport du Bureau indépendant d’évaluation, voir Les Faits.
Évaluation de l’action du FMI au cours de la période qui a précédé la crise financière et économique mondiale http://www.ieo-imf.org/eval/complete/pdf/01102011/Crisis_Main_Report_FRE...
Le gouvernement colombien met un frein au projet minier financé par la Banque mondiale
Le projet d’exploitation de la mine d’Angostura, dans le nord-est de la Colombie, par Greystar Resources, une compagnie minière canadienne, est dans une impasse. L’exploitation de cette mine d’or et d’argent à ciel ouvert nécessite l’emploi d’importantes quantités de cyanure. Mais le site du projet est situé sur un páramo, un écosystème des hauts plateaux andins qui est une importante source d’eau pour les populations locales. A Bucaramanga, la capitale du département de Santander, les résidents s’opposent activement à ce projet ainsi que vingt autres municipalités qui dépendent du páramo en tant que source d’eau potable.
Ce mois-ci, Greystar a retiré sa demande de permis pour le projet « car il était devenu évident que le gouvernement régional et national ainsi que la communauté de Bucaramanga n’appuyaient le projet tel quel. » La compagnie a néanmoins indiqué son intention de procéder à une nouvelle configuration souterraine de la mine.
Cependant, dans une déclaration écrite, le ministre colombien des Mines et de l’Énergie, Carlos Rodado Noriega, a rejeté toute possibilité de projet minier affectant le páramo, quelle que soit sa structure. Le ministre a expliqué que le páramo « capte, filtre, régule et alimente les ressources en eau » et que sa préservation était urgente.
Dans un rapport faisant état des investissements des compagnies minières canadiennes en Colombie, Inter Pares décrit l’usage de la force militaire pour sécuriser la zone exploitée par Greystar et « les efforts de l’Armée colombienne pour reprendre le contrôle de la région et en finir avec la présence des FARC dans la zone du projet ou tout au moins d’essayer de permettre à Greystar de reprendre ses opérations ; des groupes paramilitaires ont aussi été impliqués. La violence a eu pour effets des déplacements temporaires et permanents des populations locales et la destruction permanente de leur capacité de production alimentaire. Dans quelles mesures les populations locales ont pu garder leur titres de propriétés ou dans quelles circonstances elles auraient pu les perdre ou les vendre demeurent des questions sans réponse. » Le rapport souligne le risque important que la compagnie profite de la dislocation et du déplacement des populations locales et qu’elle récompense les individus ou les groupes qui ont commis des violations des droits de la personne.
Il faut souligner le financement surprenant des activités de Greystar par la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale. La SFI détient 12 millions de dollars en participation au capital de la compagnie. La capitalisation de la SFI a servi, entre autres, à financer l’évaluation des répercussions sociales et environnementales de ce projet mal conçu.
Déclaration du ministre colombien des Mines et de l’Énergie (en espagnol)
http://www.minminas.gov.co/minminas/index.jsp?cargaHome=2&opcionCalendar...
Land and Conflict. Resource Extraction, Human Rights, and Corporate Social Responsibility: Canadian Companies in Colombia
http://www.interpares.ca/en/publications/pdf/Land_and_Conflict.pdf
Babillard – Ce mois-ci…
Le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (CNCA) a lancé son site Internet : http://cnca-rcrce.ca/
Un câble du gouvernement américain publié par Wikileaks révèle que l’ambassade canadienne en Argentine et les compagnies minières canadiennes qui investissent dans ce pays ont cherché à influencer les gouvernements provinciaux en matière de droit et de politiques environnementales. Le câble fait référence à plusieurs législatures provinciales qui ont interdit l’utilisation de produits chimiques toxiques, tels que l’arsenic, dans les opérations d’exploitation minière. Les hauts fonctionnaires américains rapportent que selon l’ambassadeur canadien, « ces produits chimiques sont largement utilisés en toute sécurité ailleurs. »
http://cablesearch.org/cable/view.php?id=09BUENOSAIRES67&hl=canada
L’OCDE a demandé au Canada de s’efforcer de combattre la corruption dans le secteur de l’industrie minière. L’OCDE a exprimé « une sérieuse inquiétude » quant à la capacité du Canada à mettre en application la loi anti-corruption. Le Canada avait ratifié la convention de l’OCDE contre la corruption des hauts fonctionnaires des gouvernements étrangers mais n’a prononcé qu’une seule condamnation en vertu de la loi canadienne depuis 1999.
http://www.timescolonist.com/business/Canada+mining+anti+bribery+efforts...
James Anaya, Rapporteur spécial à l’ONU sur les droits des peoples autochtones, doit analyser les répercussions des projets d’extraction et d’exploitation des ressources naturelles sur les droits des peuples autochtones et préparer une évaluation respective des États, des entreprises et des peuples autochtones.
Ce mois-ci, la Cour d’Appel de l’Ontario a rejeté un appel des citoyens Équatoriens qui affirment avoir été agressés par les forces de sécurité engagés par une compagnie minière canadienne. Marcia Ramírez, Polivio Peréz et Israel Peréz poursuivaient Copper Mesa Mining Corporation, deux des directeurs de la compagnie et la Bourse de Toronto. http://www.ramirezversuscoppermesa.com/
Pendant ce temps, Rosa Elbira Coc Ich, Margarita Caal Caal et neuf autres femmes mayas Q’eqchi’ du Guatemala ont entamé une poursuite contre HudBay Minerals et HMI Nickel devant un tribunal de l’Ontario. Les plaignantes allèguent qu’elles ont été victimes de viols collectifs perpétrés par le personnel de sécurité en uniforme des compagnies minières, de la police et de l’armée.
http://www.chocversushudbay.com/
Nouvelles publications
• Ministère des finances : le rapport annuel au Parlement sur les activités du Canada aux Institutions Bretton Woods « Le Canada au FMI et au Groupe de la Banque mondiale » définit les priorités du Canada au FIM et à la Banque mondiale de 2011 à 2015. http://www.fin.gc.ca/bretwood/bretwd10-eng.asp
• Le Projet Bretton Woods (avec Halifax Initiative et 20 autres ONG): « S’en va-t-on vers le bon choix ? Une approche professionnelle pour sélectionner le patron du FMI » Le FMI s’est engagé à introduire des processus ouverts, transparents et basés sur le mérite pour la sélection de son futur directeur. Ce papier prévoit trois papiers sur lesquels figureront au moins trois éléments clés. http://www.brettonwoodsproject.org/art-568253
Rapport du Bureau indépendant d’évaluation: pourquoi le FMI n’a pas détecté la crise imminente et donné l’alerte
Le Bureau indépendant d’évaluation est un bureau indépendant du FMI chargé de mener « des évaluations indépendantes et objectives des politiques et activités du FMI. » Le rapport, « Évaluation de l’action du FMI au cours de la période qui a précédé la crise financière et économique mondiale », évalue la surveillance de l’économie internationale de 2004 à 2007.
Il ressort de ce rapport que le FMI n’a pas détecté tous les signes avant-coureurs de la crise qui allait éclater. « Même en avril 2007, le message récurrent du FMI restait optimiste et présentait un contexte économique international favorable. Les rapports des services et d’autres documents du FMI signalaient des perspectives positives à court terme et des conditions du marché financier foncièrement saines. »
« De même, le FMI n’a ni perçu les similitudes entre l’évolution de la situation aux États-Unis et au Royaume-Uni, ni tenu compte d’autres pays avancés et émergents qui avaient l’expérience d’une crise financière. »
Le rapport révèle deux poids deux mesures dans l’approche du FMI envers les pays industriels et les pays en voie de développement. Par exemple, le FMI était réticent à formuler des conseils de politiques aux États-Unis et au Royaume-Uni. En fait, le personnel laissait aux autorités financières de ces pays le soin de s’en occuper, ce qui contraste nettement avec l’imposition de politiques aux pays en voie de développement.
Au cœur de l’échec du FMI se trouvent ses « faiblesses analytiques », et plus particulièrement « la pensée doctrinaire et autres postulats intellectuels et les méthodes d’analyse / connaissances incomplètes ». Cette pensée doctrinaire fait référence à la conviction du FMI que la discipline et l’auto-régulation de marché ainsi que la tendance des économistes du FMI à « tenir en haute estime (équilibre général) les modèles macroéconomiques qui se sont révélés inadéquats pour l’analyse des liens macrofinanciers » (dépendance aux modèles originaux).
« Les insuffisances de la gouvernance interne, l’absence d’incitations à un travail collectif et à émettre des points de vue contraires, ainsi qu’une procédure de revue qui ne permettait pas de faire le lien entre des éléments apparemment disparates ou de veiller à un suivi adéquat, ont aussi joué un rôle non négligeable, sans oublier les contraintes politiques qui ont pu aussi avoir un certain impact. »
« La majorité des membres des services du FMI qui ont répondu à l’enquête relative à l’évaluation des études du BIE affirme que les résultats et les conclusions de leurs travaux de recherche devaient être alignés sur l’opinion du FMI. Les membres du personnel ont indiqué que les incitations conduisent à s’aligner sur l’opinion dominante au FMI. Plusieurs cadres dirigeants et membres des services du FMI ont estimé que l’affirmation d’opinions dissidentes peut « nuire à une carrière ». Selon le rapport, « plusieurs membres du personnel ayant exprimé leurs préoccupations quant aux conséquences de l’expression d’opinions contraires à celles des supérieurs hiérarchiques, de la direction et des autorités nationales », déclarant « qu’il est impossible de contredire les autorités… car les départements sont indûment captifs des pays ».