Réactions des médias : le 27 novembre 2003

LE MONDE | 26.11.03 | 17h10

 

Sous la pression écologique, les agences de crédit adopteront-elles des règles de conduite plus strictes ?

 

C'est un des mécanismes les plus pervers et les plus ignorés des politiques économiques : le crédit de garantie à l'exportation encourage, en l'absence de règles de conduite, l'oubli de l'écologie et du social dans la gestion des grands (ou petits) projets de nombreux pays du Sud.

 

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'est saisie du sujet, et pourrait adopter d'ici à la fin de l'année une "recommandation" à ce propos.

 

Le problème est assez simple : beaucoup d'exportations s'opèrent parce que l'exportateur se couvre par une assurance crédit qui lui garantira, en cas de défaillance du client, le paiement de ses biens ou de son travail. Il se tourne à cette fin vers des agences de crédit, à statut semi-public, présentes dans chaque grand pays exportateur. Mais ces agences ne s'intéressent, pour beaucoup d'entre elles, qu'aux caractéristiques financières des opérations soutenues, sans se préoccuper de leur impact environnemental.

 

Si, pour beaucoup d'échanges de biens et services, cela ne pose pas de problèmes, il n'en va pas de même pour nombre de projets, le plus souvent énergétiques, menés dans des pays du tiers-monde. Des déplacement de populations indigènes, le non-respect des règles environnementales appliquées dans les pays riches, des destructions de forêts ou de milieux vierges sont souvent provoqués par ces opérations sans que les fournisseurs ne s'en inquiètent.

 

Or, le soutien des agences est souvent la condition économique de réalisation de ces projets, auxquels elles apportent chaque année entre 15 et 20 milliards d'euros. Si elles intégraient des règles d'analyse d'impact environnemental, comme ont commencé à le faire de grandes banques de développement, telle la Banque mondiale, ces projets souvent destructeurs ne verraient pas le jour ou seraient amendés dans un sens plus social et plus écologique. Oléoduc mis en cause au Pérou, barrage contesté dans le nord de l'Inde, forages pétroliers dénoncés à Sakhaline, en Russie, oléoduc de la Caspienne à la Turquie également décrié ne sont que quelques-uns des projets dont les écologistes locaux contestent la validité.

 

"Outre l'impact social et écologique, dit Hèlène Ballande, des Amis de la Terre, on demande plus de transparence dans l'usage des fonds des agences. On leur demande aussi qu'elles refusent les projets qui alourdissent la dette des pays pauvres."

 

Si les ONG réunies dans le réseau ECA Watch pointent depuis longtemps cette anomalie, ce n'est que depuis quelques années que les choses ont commencé à bouger. En 1995, en effet, l'agence américaine Ex-Im Bank a adopté des règles environnementales pour ses prêts. Mais les Américains constatèrent plus tard que plusieurs contrats sur le barrage des Trois Gorges, en Chine, leur échappaient, au profit de concurrents libres de s'affranchir des règles de l'Ex-Im Bank.

 

Les discussions ont alors commencé au sein de l'OCDE pour harmoniser les règles, puisqu'il y a là une distorsion de concurrence manifeste.

 

"Il est clair que les Etats-Unis ont lancé le mouvement, note un expert international. Ils viennent généralement dans les enceintes internationales quand ils veulent externaliser des contraintes internes".

 

Mais les choses n'avancent guère. Et la "recommandation" que pourrait adopter l'OCDE est contestée par ECA Watch en raison de la faiblesse de ses engagemements. Une faiblesse qui tient aussi au fait que, sous l'administration Bush, la position américaine est devenue beaucoup moins sourcilleuse.

 

Hervé Kempf

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 27.11.03