Mise à jour - le 30 mai 2008

NOUVELLES RÉCENTES concernant LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

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Adoption du project de loi en faveur d’une aide accrue
Deux ans et demi après avoir été présenté, et après une longue année au Sénat à attendre l’étape de la dernière lecture, le projet de loi C-293 visant à améliorer la gestion de l’aide a finalement été adopté à l’unanimité par le Parlement le 9 mai, à la vive satisfaction des ONG. Il a reçu la sanction royale hier, le 29 mai, ce qui en fait maintenant une loi.

Cette loi oblige le gouvernement à utiliser son budget d’aide annuel (4,4 milliards $ en 2008/09) dans un but spécifique de réduction de la pauvreté et conformément, entre autres, aux principes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, du développement durable, de l’avancement de la démocratie et des normes internationales des droits de la personne. Il prévoit aussi des consultations bisannuelles avec la société civile afin d’informer le gouvernement sur la façon dont l’aide canadienne contribue à réduire la pauvreté, tient compte des perspectives des bénéficiaires et respecte les normes internationales en matière de droits humains. Enfin, C-293 oblige les ministères des Affaires étrangères et des Finances et l’Agence canadienne de développement international à produire un rapport annuel démontrant en détail que les dépenses canadiennes en matière d’aide sont effectuées conformément à la Loi.

La façon dont le gouvernement interprétera cette loi reste à voir (voir « Les faits »), et les trois ministères en cause, avec leurs avocats, mettent actuellement en place des plans d’application étroitement coordonnés. La loi contient un grand nombre de dispositions nouvelles obligeant le gouvernement à rendre compte de la façon dont il fonctionne avec la Banque mondiale et le FMI. Cependant, la plupart de ces éléments sont déjà couverts dans le rapport annuel amélioré au Parlement (voir Babillard, Mise à jour, avril 2008). Il sera par contre intéressant de voir comment (et si) la loi modifiera l’approche du Canada face à la Banque mondiale et au FMI, lesquels ont été l’objet de fortes critiques internes et externes pour avoir fait reculer les droits humains et n’avoir pas réussi à alléger la pauvreté.


LEGISinfo, C-293, Loi concernant l’aide au développement fournie à l’étranger, John McKay http://www.parl.gc.ca/LEGISINFO/index.asp?Language=E&Session=15&query=5091&List=toc
EDC lorgne vers le Pérou malgré les inquiétudes de l’ombudsman
La présence d’immenses ressources minérales inexploitées et une réglementation permissive font du Pérou une destination attrayante sur le plan de l’investissement pour les entreprises minières canadiennes. De plus, considérant le nouvel accord bilatéral de libre échange qui doit entrer en vigueur en 2009 et les prix des minéraux qui ne cessent de grimper, l’investissement minier canadien au Pérou est appelé à augmenter considérablement. Exportation et développement Canada (EDC), qui a fourni au secteur extractif plus de 22 milliards $ de services en 2007, se prépare à aider les investisseurs miniers canadiens à profiter de l’aubaine.

Malheureusement, comme dans bien d’autres zones riches en minéraux dans le monde, les opérations minières au Pérou sont une source de conflits de plus en plus intenses. En avril 2007, l’ombudsman national du pays, une fonction officielle indépendante mandatée pour défendre les droits humains, a été invité par le Congrès à préparer un rapport extraordinaire sur cette question. Ce rapport confirme la gravité des conflits liés aux mines au Pérou et en identifie un certain nombre de causes sous-jacentes : l’inquiétude des populations à l’égard de la contamination de l’environnement, un manque de confiance dans la capacité de l’État à réglementer correctement les opérations minières, la menace que fait peser l’activité minière sur d’autres secteurs économiques, y compris les activités de subsistance, la distribution inéquitable des bénéfices et les répercussions sur la structure sociale et l’identité. L’ombudsman réclame une série de réformes radicales du système de réglementation péruvien, de même qu’une participation citoyenne au processus décisionnel public.

Le 22 mai, EDC tenait un forum sur l’activité minière responsable au Pérou. L’Initiative d’Halifax, de même que les ONG péruviennes CooperAccion et GRUFIDES, qui offrent du soutien aux populations touchées par les opérations minières commerciales au Pérou, ont participé à la rencontre. Les trois organismes ont fait ressortir qu’en l’absence de réformes telles que celles qui ont été identifiées par l’ombudsman, l’activité minière socialement responsable au Pérou restera illusoire.


Rapport de l’ombudsman national du Pérou (en espagnol)
http://www.defensoria.gob.pe/modules/Downloads/informes/extraordinarios/inf_extraordinario_04_07.pdf
La Banque mondiale prise à partie face à la crise alimentaire
Alors que le Groupe de travail spécial de l’ONU sur la crise alimentaire mondiale se réunissait pour la première fois, la Banque mondiale essuyait les attaques d’analystes de la sécurité alimentaire, d’universitaires et d’organismes de la société civile (OSC) partout dans le monde en raison de son rôle dans la création de conditions favorables à la crise actuelle. Les critiques blâment d’abord la Banque pour avoir totalement négligé le secteur agricole, qui a vu le soutien aux programmes chuter de 1,9 milliard $ qu’il était en 1981 à moins de 1 milliard $ en 2001. Ils blâment aussi la Banque pour ses vingt ans de politiques d’ajustement structurel. Ces politiques ont forcé les pays en développement à libéraliser rapidement leurs barrières commerciales, à réduire leurs tarifs protecteurs, exposant les producteurs nationaux à la concurrence internationale, à abandonner leurs offices de commercialisation et leurs réserves de céréales et à réduire les mesures incitatives et les subventions de l’État aux agriculteurs. Les importations à bas prix remplacent les aliments produits localement. Les industries nationales s’effondrent. La production agricole diminue. On ne sait toujours pas comment le président de la Banque mondiale Robert Zoellick entend s’attaquer aux causes profondes de la crise. Cependant, peut-être pour donner le ton en vue du Sommet mondial de l’alimentation (SMA) qui se tiendra à Rome la semaine prochaine, Zoellick a annoncé l’octroi de 1,2 milliard $ en prêts d’urgence aux pays affectés par les prix des aliments (pour soutien budgétaire, programmes alimentaires ou approvisionnements en semence et en fertilisant), une augmentation de 50 % (de 4 à 6 milliards $) des prêts de la Banque à l’agriculture et un « dérivé climatique » destiné à aider les pays à faire face à l’augmentation des importations alimentaires lorsque les récoltes sont détruites par la sécheresse ou l’inondation.
Babillard – Ce mois-ci…
  • Le 30 avril, Exportation et développement Canada publiait un Énoncé en matière de droits de la personne, qui présente les « principes » devant guider son évaluation des répercussions de ses projets sur les droits humains. http://www.edc.ca/french/docs/news/2008/mediaroom_14502.htm
  • Leonard McCarthy, chef de l’Unité sud-africaine d’enquête contre la corruption, deviendra le nouveau vice-président du département de l’intégrité institutionnelle (INT) de la Banque mondiale. L’INT effectue des enquêtes sur les allégations de fraude et de corruption dans les opérations du Groupe de la Banque mondiale, ainsi que d’inconduite de son personnel. La Commission Volcker, qui a réalisé une révision de l’INT en 2007, avait recommandé d’élever la fonction au rang de la vice-présidence. L. McCarthy remplace Suzanne Folsom, qui a quitté la Banque en janvier (voir Mise à jour janvier 2008).
  • L’économiste en chef du FMI, Simon Johnson, quitte son poste. En fonction depuis à peine plus d’un an, il a connu une année turbulente sur les marchés financiers et au FMI. D’abord, l’institution a échoué lamentablement face à la crise du crédit qui a éclaté en août, puis six mois plus tard, elle a commencé à réclamer de meilleurs mécanismes réglementaires et un ensemble de stimuli économiques afin d’éviter une récession mondiale. L’économiste du MIT Olivier Blanchard le remplacera en septembre.
  • Poussée par les réactions négatives d’étudiants, de syndicats, d’hommes d’affaires et de fonctionnaires, la Turquie, comme avant elle le Brésil, l’Argentine et l’Indonésie, a indiqué qu’ayant rembourses ses prêts, elle ne prévoyait pas faire affaire de nouveau avec le FMI. Ensemble, ces quatre pays représentent 60 % du produit d’intérêts du FMI. Cette nouvelle arrive au moment où 600 employés viennent de demander une mise à la retraite afin de réduire de 100 millions $ le budget du FMI.
  • Le conseiller spécial pour les sources novatrices de financement du développement (voir Mise à jour, 31 mars 2008) a négocié avec deux importants voyagistes/systèmes de réservation une entente visant à appliquer un don volontaire à UNITAID sur tous les billets vendus.

Nouvelles publications ce mois-ci
Événements à venir
  • Exportation et développement Canada vient d’annoncer la tenue d’assemblées publiques en mai et en juin dans le cadre de sa révision législative. Voir www.edcreview2008.ca
  • L’aide est-elle efficace? Peut-elle être améliorée? Questions critiques sur la route d’Accra et de Doha, organisé par l’Institut Nord-Sud, Hôtel Crown Plaza, Ottawa, 17-18 juin.
  • Financement du développement – Audiences ouvertes à la société civile et au monde des affaires, Nations Unies, New York, le 18 juin.


LES FAITS: Le projet de loi en faveur d’une aide accrue et les IFI
Institutions admissibles :
le Canada verse son aide par des programmes bilatéraux avec divers pays en développement et par l’entremise d’institutions et d’initiatives multilatérales. En ce qui concerne les institutions financières internationales (IFI), son aide se divise en trois grandes catégories :
  1. guichet d’aide à des conditions de faveur (faibles taux d’intérêt et longs délais de remboursement) et de subventions – à des IFI au bénéfice des pays les plus pauvres, que les donateurs contribuent à reconstituer périodiquement. Par exemple, l’Association internationale de développement de la Banque mondiale et le Fonds africain de développement de la Banque africaine de développement;
  2. fonds bilatéraux et fonds fiduciaires regroupant de multiples donateurs, qui sont souvent assignés à un enjeu ou un intérêt particulier des donateurs, aux diverses institutions;
  3. initiatives mondiales administrées par la Banque mondiale, telles que le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme et le Fonds pour l’environnement mondial.

Toutes ces institutions sont admissibles en vertu de la Loi. Toutefois, les institutions les plus importantes, telles que la Société financière internationale du Groupe de la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international en sont techniquement exclus. Le Canada verse une quote-part de capitaux à ces institutions. Ces capitaux sont considérés comme des dépenses non budgétaires, car ils représentent un actif – un intérêt – dans ces institutions. Cette situation peut entraîner une certaine incohérence sur le plan des politiques, puisque la loi comporte des implications pour une partie seulement des IFI.

Interpréter le mandat et les principes du projet de loi, relativement aux IFI :
À moins que le ministère canadien des Finances ne décide de fondre simplement sa présente stratégie à moyen terme dans les principes et le mandat du projet de loi C-293, celui-ci pourrait l’obliger à effectuer une évaluation plus sérieuse des institutions et de leurs implications sur les priorités actuelles du Canada. Ceci pourrait permettre d’identifier les lacunes, c’est-à-dire les endroits où les IFI et la stratégie institutionnelle du Canada seraient en-deçà des exigences de la loi, et de réorganiser la stratégie existante. Étant donné que l’ACDI n’a aucune stratégie institutionnelle à l’égard des banques régionales de développement (BRD), elle aura encore plus de travail à faire.

Consultation :
Comme le projet de loi ne requiert qu’une consultation des parties concernées tous les deux ans, les ministères peuvent se contenter de « consulter » les groupes par les moyens existants (Les Journées du développement de l’ACDI ou la consultation annuelle de la société civile par le ministère des Finances) ou opter pour des consultations plus significatives permettant d’interpréter les dispositions du projet de loi, ainsi que l’application qu’en fait le gouvernement.

Rapports :
Enfin, le projet de loi contient des dispositions très précises sur l’obligation de faire rapport concernant la Banque mondiale et le FMI (mais non les BRD). Ainsi, le gouvernement canadien doit fournir un résumé de son rapport annuel sur ces institutions et rendre compte de toute représentation faite par des représentants canadiens sur les priorités et les politiques nationales, sur la position du Canada lors des résolutions du conseil des gouverneurs et sur la conformité à la loi des activités du Canada à ces institutions. À l’exception de cette dernière disposition, le présent rapport annuel répond déjà assez bien à ces exigences. Cela dit, le projet de loi représente tout de même une avancée en matière de reddition de comptes et, au surplus, il en fait maintenant une exigence légale.

L’IH prépare actuellement un commentaire officiel sur la mise en vigueur du projet de loi C-293.