Mise à jour - le 30 novembre 2009

Les audiences sur la responsabilité des entreprises se corsent
Cela a bougé ce mois-ci aux audiences parlementaires sur le projet de loi C-300, ou Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement (voir Mise à jour, février 2009). Ce projet de loi avait été présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (CPAEDI) le 25 mai par le député John McKay. Ce mois-ci, les membres du Comité ont entendu le témoignage captivant de plusieurs personnes (voir LES FAITS). Parmi les témoins entendus, notons Romina Picolotti, ancienne secrétaire d’État à l’environnement de l’Argentine et récipiendaire du prestigieux Prix Sophie pour l’environnement et le développement durable; Stephen Hunt, ancien mineur et actuel directeur du Syndicat canadien des métallurgistes unis d’Amérique; Marketa Evans, la nouvelle conseillère en responsabilité sociale des entreprises nommée par le gouvernement fédéral; et les représentants des compagnies minières Barrick Gold, Goldcorp et Kinross.

La législation a suscité d’intenses débats sur le rôle du gouvernement canadien dans la promotion de l’activité minière, pétrolière et gazière dans les pays en développement. Le projet de loi C-300 établit des critères plus rigoureux permettant aux entreprises de bénéficier du soutien d’Exportation et développement Canada, de l’aide des ambassades canadiennes et des délégations commerciales ainsi que des investissements du Régime de pensions du Canada. Les normes ainsi établies offrent une garantie que les institutions gouvernementales respecteront les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Le Comité entreprendra bientôt l’étude article par article du projet de loi, après quoi celui-ci retournera devant la chambre des Communes en vue de la troisième lecture.


Projet de loi C-300
http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Docid=3658424&file=4
 
Transactions financières : taxe et relations au G20
Dans un geste inattendu à la réunion du G20 tenue ce mois-ci à St. Andrews, en Écosse, le Premier ministre britannique et président du G20 Gordon Brown a exhorté les pays membres à adopter une taxe sur les opérations financières (TOF) ou des frais d’assurance pour permettre de financer l’éventuel sauvetage de banques et empêcher la prise de risques excessive. Le Secrétaire au Trésor des États-Unis Timothy Geithner a immédiatement rejeté cette idée. Le ministre canadien des Finances Jim Flaherty s’est aussi opposé à la proposition parce qu’elle signifierait des hausses de taxe et que le Canada n’a pas eu à se porter au secours de ses banques.

Le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a aussi rejeté la TOF, que lui-même et les médias appellent improprement une « taxe Tobin ». Cette position de Strauss-Kahn est particulièrement décevante compte tenu du fait que le FMI a été mandaté pour étudier l’ensemble des options « par lesquelles le secteur financier pourrait contribuer de façon équitable et substantielle » à payer la note du sauvetage des banques. Dominique Strauss-Kahn a rejeté la taxe, disant qu’elle ne couvre pas le secteur financier dans sa totalité, car certains produits financiers nouveaux y échapperaient. Mais de nombreux représentants de la société civile sont d’avis qu’une TOF n’est pas une panacée mais un élément d’une solution globale. Les groupes réclament l’adoption d’une taxe, de même que des lois plus sévères pour réguler le secteur financier.

Inquiets devant le rejet rapide de la TOF par le FMI avant même que l’étude ait débuté, plus de 90 organismes de la société civile ont adressé au directeur général du FMI et à ses directeurs administratifs une lettre contenant quatre demandes claires : 1) accorder toute l’attention voulue aux taxes sur les opérations financières dans le cadre de l’étude prévue; 2) établir un processus officiel d’intégration de l’opinion de la société civile; 3) inclure des éléments probants indépendants provenant d’économistes et d’universitaires qui ont étudié la faisabilité de telles taxes; 4) collaborer avec d’autres organismes internationaux qui portent une attention particulière à cette question.


Lettre de plus de 90 OSC au directeur du FMI D. Strauss Kahn sur la participation à une étude sur la TOF,
http://halifaxinitiative.info/content/letter-imf-managing-director-strauss-kahn-imf-study-bailouts

Boycottage gouvernemental du dialogue sur les industries extractives
En s’appuyant sur le consensus qui s’était dégagé du processus des Tables rondes nationales (voir Mise à jour, mars 2007), le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises (RCRCE) et l’Association minière du Canada tenaient conjointement, ce mois-ci, la conférence À la hauteur du défi : Une conférence multi-intervenants sur la responsabilité des entreprises des industries extractives du Canada exerçant des activités à l’étranger. Parmi ses invités internationaux, l’événement bénéficiait de la participation d’Irene Kahn, secrétaire générale d’Amnesty International. Des fonctionnaires fédéraux étaient prévus comme orateurs au sein de tous les groupes de travail de la conférence, et une vingtaine d’autres étaient inscrits comme participants. Deux jours ouvrables avant la conférence du 3 novembre, tous les participants gouvernementaux ont annulé leur participation. Le RCRCE n’a pas encore reçu d’explication de ce boycottage orchestré de l’événement par le gouvernement.
Lettre du RCRCE aux ministres concernant le boycottage gouvernemental,
http://halifaxinitiative.info/content/cso-letter-regarding-government-boycott-corporate-accountability-conference
Babillard – Ce mois-ci…
  • L’Ukraine fait face à une restriction possible de son prêt de 11 milliards de dollars du FMI, et à l’annulation d’un montant additionnel de 3,8 milliards de dollars, à la suite de l’approbation par le président Yushchenko d’une loi sur les salaires et les retraites. Cette loi permettrait d’augmenter de 20 % les salaires des employés de l’État et les prestations de retraite, au coût de 10 milliards de dollars, un montant dont l’Ukraine ne dispose pas. La Première ministre de l’Ukraine Yulia Tymoshenko et le principal adversaire politique de Yushchenko avant les élections présidentielles de la mi-janvier ont donné leur appui à la demande de veto du FMI à l’égard de la nouvelle loi. Tymoshenko et Yushchenko se sont affrontés au cours des 18 derniers mois, ralentissant la plupart des réformes économiques et politiques du pays.
  • L’organisme Tax Justice Network a publié une nouvelle édition de son indice de secret financier (ISF). Ce palmarès démontre clairement l’inadéquation des propositions faites par le G20, par l’entremise des listes blanche, grise et noire de l’OCDE, concernant la pratique du secret financier par les pays ou territoires. L’ISF examine et classe 60 pays (ou territoires) à partir de deux mesures. La première tient compte des « lois dont les principaux bénéficiaires sont non-résidants », quant à la transparence et l’accès du public à l’information, ainsi qu’à l’échange automatique d’information par la société responsable d’une transaction. La seconde tient compte de la taille et de l’importance globale des pays ou territoires sur les marchés financiers mondiaux. Selon l’ISF, les pays les moins performants sont les États-Unis (Delaware), le Luxembourg, la Suisse, les Îles Cayman, le Royaume-Uni (la Ville de Londres), l’Irlande, les Bermudes, Singapour, la Belgique et Hong Kong. http://www.financialsecrecyindex.com/2009results.html
  • Cephas Lumina, l’expert indépendant de l’ONU sur la dette externe, a présenté son plus récent rapport annuel au Conseil des droits de l’homme (CDH). Dans ce rapport, il réclame des pays membres qu’ils soutiennent les efforts en cours pour s’entendre sur une définition du concept de dette illégitime, pour établir un mécanisme international d’arbitrage sur la dette et pour réformer le système financier international. http://www2.ohchr.org/english/issues/development/debt/docs/A-64-289.doc
  • La Commission sur la gouvernance de la Banque mondiale, présidée par l’ex-président mexicain Ernesto Zedillo, a publié son rapport « Repowering the World Bank for the 21st Century ». Ce rapport d’octobre fournit une série de recommandations sur à façon de restructurer la gouvernance de la Banque mondiale, dont les suivantes : réduire la taille du Conseil exécutif; créer des conseils d’administration distincts pour la Banque internationale de reconstruction et de développement (adaptée aux pays à revenu moyen) et l’Association internationale de développement (le guichet de financement pour les pays à faible revenu); rééquilibrer les conseils d’administration pour y accroître la représentation des pays en développement; choisir les futurs présidents d’une manière transparente, fondée sur le mérite et sans égard à la nationalité; et créer un examen annuel de façon à tenir le président de la Banque mondiale responsable de la performance de celle-ci. http://www.ycsg.yale.edu/center/forms/WorldBank.pdf

Nouvelles publications ce mois-ci
•    Power, Responsibility, and Accountability: Re-Thinking the Legitimacy of Institutions for Climate Finance, document de travail, World Resources Institute, octobre 2009. (En anglais) http://pdf.wri.org/working_papers/power_responsibility_accountability.pdf
•    How to challenge illegitimate debt – Theory and legal case studies, Aktion Finanzplatz Schweiz, novembre 2009. (Comment contester une dette illégitime – en anglais seulement.) http://www.aktionfinanzplatz.ch/pdf/Buch-d.pdf
Événements à venir
•    Journée internationale des droits de l’homme, 10 décembre 2009.
LES FAITS - Témoignages convaincants entendus aux audiences du CPAEDI sur le projet de loi C-300

Romina Picolotti, secrétaire d’État à l’environnement de l’Argentine (2006 – 2008) :

« Je savais depuis le tout premier jour de mon entrée en fonction (…) que le progrès vers une activité minière plus durable serait probablement la plus grande difficulté de mon mandat. […] Je n’avais pas tort. […] J’ai constaté, à maintes et maintes reprises, que les intérêts miniers étrangers en Argentine étaient extrêmement habiles à optimiser leurs intérêts auprès des institutions politiques locales, c’est-à-dire à s’assurer la coopération de fonctionnaires ou de ministres pour parvenir à leurs fins sur les délicates questions environnementales et sociales habituellement soulevées par les investissements miniers d’envergure. »

Stephen Hunt, directeur, District 3, Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes :

« Les entreprises minières, pétrolières et gazières représentent le Canada à l’étranger. Composantes de la politique officielle du Canada, elles sont d’autant plus crédibles qu’elles sont cofinancées par Exportation et Développement Canada et sont appuyées par les missions d’Équipe Canada et les ambassades canadiennes. Toutefois, quand les membres de notre syndicat travaillant dans les entreprises minières et de minéralurgie participent à des échanges de personnel avec d’autres pays comme l’Argentine, le Chili, le Pérou, l’Afrique du Sud et le Guatemala, ils constatent d’énormes différences de comportement chez ces entreprises selon qu’elles œuvrent au Canada ou à l’étranger. »

Viviane Weitzner, chercheure principale, Commerce et ressources naturelles, Institut Nord-Sud :

« Le Suriname est le seul pays de l’hémisphère occidental qui ne reconnaît pas et ne protège pas les droits autochtones ou tribaux; de plus, il ne dispose d’aucune loi exigeant des évaluations de répercussions environnementales et sociales. En bref, le Suriname constitue l’exemple parfait qui nous permettra de déterminer la faisabilité et l’efficacité des mesures volontaires pour assurer la protection des droits de la personne et de l’environnement. […] Nos recherches révèlent de nombreux cas où ces sociétés minières n’ont pas mis en œuvre les politiques de leur conseil (le Conseil international des mines et métaux) ni respecté leurs engagements. Voici un des exemples les plus frappants : une société a entrepris les travaux d’exploration avancée sur 2800 km2 dans la forêt tropicale humide, le territoire traditionnel des Lokono, sans avoir effectué une évaluation des répercussions environnementales et sociales, contrairement à la politique qu’elle avait établie. La société en question s’est excusée plusieurs fois publiquement de ce grave oubli. Cependant, il est tout simplement inacceptable de simplement s’excuser de ne pas avoir pris les mesures adéquates d'atténuation de ces répercussions. »


Témoignages devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
http://www2.parl.gc.ca/CommitteeBusiness/CommitteeMeetings.aspx?Cmte=FAAE&Language=F&Mode=1&Parl=40&Ses=2